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des Cortès, et d’éviter formellement toute déclaration qui aurait pu amener la guerre. Cette modération ne satisfaisait personne, ni en France, ni en Espagne. Les révolutionnaires de Madrid et le parti libéral en France se méfiaient de cette intervention déguisée qui pouvait s’affirmer davantage un jour ou l’autre, et les absolutistes de Madrid, comme les ultras de nos Chambres, trouvaient que le ministère n’agissait pas franchement contre la Révolution. Ce fut un des principaux griefs de la coalition qui se forma contre le ministère Richelieu et sous laquelle il succomba à la fin de décembre 1821.

Le cabinet qui le remplaça et dont MM. de Montmorency, Villèle et Corbière étaient les principaux membres, ne crut pas devoir, à ses débuts, modifier sensiblement la ligne de conduite tracée par ses prédécesseurs à l’égard de l’Espagne. Les instructions de M. de La Garde furent confirmées. Il devait continuer à s’entendre avec les hommes modérés du parti constitutionnel et monarchique, et particulièrement avec leur chef, M. Martinez de la Rosa, que le roi s’était, à regret, décidé à appeler aux affaires. Seulement, M. de Montmorency, qui avait remplacé M. Pasquier aux Affaires étrangères, aurait voulu obtenir quelque résultat plus décisif. M. de La Garde était donc invité à seconder les tentatives du roi Ferdinand, auquel on aimait toujours à prêter quelque sincérité et quelque bon sens, et il était autorisé même à lui faire des avances de fonds dont j’ai trouvé la trace mentionnée dans la correspondance d’Espagne[1]. M. de Montmorency ne s’en tint pas là. Il présenta au gouvernement espagnol tout un plan d’action qui, s’il avait été suivi, eût assurément donné satisfaction dans les deux pays aux amis de la monarchie et des institutions représentatives. Avec un autre souverain que Ferdinand VII, il aurait pu réussir, mais avec lui, tout devenait impossible, car il n’inspirait confiance à personne. Nous avions moins que d’autres peut-être le droit de nous en étonner, car il faut reconnaître qu’il avait été perverti de bonne heure par un système politique funeste, dont la responsabilité n’était pas purement imputable à l’Espagne et à son gouvernement.

En 1808, persécuté par son père, le roi Charles IV, mis en jugement par le prince de la Paix et devenu son vainqueur par la révolution d’Aranjuez, il avait été aimé de toute l’immense

  1. Archives des Affaires étrangères, Correspondance d’Espagne, t. 716, 717.