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seulement si nous y étions contraints par une des causes indiquées plus haut, c’est-à-dire une atteinte portée aux droits ou à la sûreté du roi d’Espagne, ou une insulte faite à notre roi, à nos compatriotes ou à notre territoire.

Le duc de Wellington venait à peine de quitter Paris et d’arriver à Vienne, que brusquement M. de Metternich renonça à son idée des conférences préparatoires dans cette ville et, sous prétexte que la saison s’était avancée à la suite des retards dans l’arrivée du plénipotentiaire, décida les souverains alliés et leur suite à partir immédiatement pour Vérone. Au fond, le vrai motif était de laisser l’empereur Alexandre se remettre de l’émotion que lui avait causée la conduite maladroite de l’ambassadeur d’Angleterre à Constantinople ; pendant l’absence de son propre ambassadeur, le baron de Strogonoff, le tsar l’avait, sur l’avis de M. de Metternich, chargé momentanément de la défense des intérêts russes dans cette ville. Lord Strangford avait mal répondu à la confiance de l’empereur, en laissant accuser par les ministres turcs, et consigner dans un mémorandum, que la politique russe avait ourdi la conspiration, dont l’insurrection grecque était sortie. Or, l’empereur, après bien des hésitations que la politique traditionnelle de la Russie vis-à-vis de l’empire ottoman expliquait, était, sous l’influence de M. de Metternich, revenu à ses méfiances contre la révolution grecque, avait éloigné le comte Capo d’Istria qui soutenait la politique des insurgés, dont il devait être plus tard le premier chef et la première victime, et donné la direction des affaires au comte de Nesselrode. L’arrivée à Vienne du mémorandum de lord Strangford, appuyant auprès du reis-effendi la cause de la Grèce insurgée, mécontenta donc au plus haut degré l’empereur. M. de Metternich comprit qu’il ne pouvait, dans ce moment, agir sur son esprit par l’intermédiaire de l’Angleterre, vu la maladresse de son ambassadeur, et qu’il fallait mettre l’intervalle et la distraction d’un voyage entre l’émotion de l’empereur et la reprise des affaires. Alexandre Ier y consentit, et les souverains d’Autriche et de Prusse également. Le départ pour Vérone fut donc immédiatement décidé, malgré les instances du duc de Wellington, arrivé l’avant-veille à Vienne, et qui n’eut que quarante-huit heures pour rédiger et expédier une note tendant à justifier lord Strangford. Après l’avoir remise, il pensa qu’il ne pouvait abandonner la partie et il se résolut à suivre les souverains alliés. Sa détermination décida également