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de Chateaubriand, au début du Congrès, pour donner suite à l’idée qu’il avait déjà eue à Vienne de traiter les affaires les plus importantes dans des conférences intimes où il se flattait d’exercer une influence prépondérante[1]. « La politique de nos temps, disait-il, est toute d’intimité et de bienveillance. Il faut laisser aux temps anciens le fatras des écritures et des formes officielles. Je ne fais aucun cas en politique de ce qu’on écrit et je n’ai absolument d’estime que pour ce qui se fait. » Ce qu’il ne disait pas, c’était que le ministre des Affaires étrangères de Prusse et le duc de Wellington suivaient une politique conforme à la sienne ; que le comte de Nesselrode lui était personnellement aussi favorable que les volontés de l’empereur le lui permettaient. Enfin, il se flattait, à tort ou à raison, d’avoir acquis sur M. de Montmorency une certaine influence. Ainsi cette petite conférence composée des chefs des diverses missions lui offrait une sympathie de vues favorable à ses desseins. Mais, dans les réunions générales du Congrès, se seraient trouvés, parmi les Russes, le comte Pozzo, parmi les Français M. de La Ferronnays et Chateaubriand dont il redoutait l’opposition. Quant au comte Pozzo et à M. de La Ferronnays, il avait eu déjà l’occasion à Troppau et à Laybach de constater l’indépendance de leurs opinions. Il ne connaissait Chateaubriand que de réputation ; mais il entrevoyait vaguement en lui un adversaire déterminé, avec lequel il aurait à compter dans le présent et dans l’avenir. C’était une raison pour les écarter tous les trois autant que possible des délibérations du Congrès ; et, comme aucun d’eux n’était ministre des Affaires étrangères, ce fut uniquement avec ses collègues, MM. de Montmorency, de Nesselrode, de Bernstorff, et le duc de Wellington qu’il ouvrit, le 20 octobre, la première conférence. Les trois suivantes, celles du 28, du 30 octobre et du 6 novembre virent se continuer les mêmes délibérations et la personnalité de M. de Montmorency fut officiellement seule en jeu. M. de Metternich n’avait pas perdu son temps et il avait fort habilement substitué et fait admettre par le Congrès le principe de l’intervention collective des puissances à Madrid, au lieu de l’intervention isolée de la France avec l’appui des autres puissances, que M. de Montmorency avait d’abord demandée, conformément aux instructions de M. de Villèle, dans la conférence du 20 octobre. Notre ministre des A flaires étrangères avait donc été amené graduellement, par

  1. Notes de mon père.