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tatonné, fouillé cette infinité de petits vallons rocheux, pour trouver le point faible. Celui-ci découvert, l’attaque eut lieu, le 24 avril, avec la plus grande vigueur, et le Kritiri, ce bastion naturel, fut enfin tourné par son côté occidental.

Les Grecs avaient résisté jusque-là, chaque fraction divisionnaire tenant pour son compte avec un courage auquel les Turcs ont rendu hommage ; mais l’entente manquait. Aussitôt que cet échec, en somme réparable, se fut produit, une panique folle éclata. Ils abandonnèrent le Kritiri, ils abandonnèrent la plaine, évacuèrent Tyrnavos sans même tenter une défense momentanée qui eût permis une retraite régulière : leurs tentes, leurs bagages, onze pièces de position parfaitement transportables tombèrent aux mains des vainqueurs. La terreur gagna Larissa, qu’on ne tenta même pas de défendre : et cependant c’était la capitale de la Thessalie ; la perte de cette place devait avoir un effet moral inappréciable ; elle avait de vieilles fortifications, fort mauvaises, mais qu’on pouvait utiliser pour quelques heures ; elle était couverte par le Salamvria, qu’on passait sur un pont de bois facile à couper. Il n’y eut même pas un simulacre de résistance. La cavalerie turque, — et j’ai pu voir depuis combien elle était peu nombreuse, — partit au galop, dirigée en fait, sinon officiellement, par un Allemand, Grumkow-Pacha, et elle trouva la ville abandonnée, pillée déjà par 300 condamnés de droit commun que les autorités hellènes avaient lâchés avant de fuir.

Grumkow fut, après cette cavalcade de trois heures, facile et heureuse, rappelé à Constantinople. Depuis, je ne crois pas qu’il soit resté un seul Allemand dans les rangs de l’armée ottomane : du moins il était impossible d’en trouver un dans n’importe quel grade. Mais de jeunes officiers instructeurs de nationalité turque, sortis depuis peu de temps des écoles militaires de Berlin, firent exécuter aux troupes qui descendaient du chemin de fer à Karaferia en Macédoine quelques exercices de tir.

Tels furent, rapidement contés, les premiers événemens de cette campagne, et nous les voyons revivre en continuant notre route du col de Melouna vers Larissa. La plaine est plate, marécageuse souvent, sablonneuse en d’autres endroits ; de grosses sources sortent des derniers contreforts que nous longeons sur notre droite, — et partout s’aperçoivent des épaulemens, des fortifications légères abandonnées par les Grecs. Des cercles marquent sur le sol la place de leurs tentes enlevées par les Turcs.