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moraines orientées vers le nord attestent que cet or provient du sud, de veines de quartz, affouillées par les glaces et désagrégées par les torrens. Les glaciers entraînent cet or dans leur lente poussée, la fonte des eaux le roule, par-delà la moraine, dans le lit du torrent. Plus lourd que la terre, il tombe dans les interstices des roches où il forme ce que les mineurs appellent des « poches » ; il tapisse, là où le courant est ralenti par des obstacles et le remous, le lit des affluens, dont les mineurs disent alors qu’il est « pavé d’or ».

Dans l’Alaska, le mineur est, ainsi que nous l’avons vu en Californie, hanté par une idée, suggérée par son imagination et partiellement confirmée par les travaux des géologues américains. Si riche que soit le placer qu’il exploite, si rémunérateur que puisse être son travail, il rêve plus et mieux. A beaucoup de mineurs, un travail régulier, mais qui ne comporte aucun aléa, répugne. Ce qu’ils aiment, c’est les émotions du jeu, les chances de fortune soudaine. Ils préfèrent les misères et les privations avec les alternatives de riches trouvailles. Leur humeur vagabonde les pousse à « prospecter » sans cesse ; d’heureux hasards soutiennent leur courage et entretiennent leurs espérances. Ils se transmettent de l’un à l’autre des récits fabuleux, des légendes dorées. Plus loin, entre ces pics sourcilleux du mont Saint-Elie, doivent exister des rochers d’or massif. C’est de là, de ces sommets jusqu’ici inaccessibles, couverts de neiges éternelles, que les pluies, les orages, les tremblemens de terre, les éruptions volcaniques ont détaché, entraîné, roulé dans les ravins ces parcelles du précieux métal. Cet or, qu’ils recueillent péniblement en pépites et en poudre, ne jaillit pas spontanément du sol. En remontant son cours on doit atteindre son point de départ : des blocs d’or. Ainsi raisonnaient les mineurs californiens, gravissant les pentes de la Sierra Nevada, ainsi raisonnent les mineurs du Klondyke. En Californie, en dépit des obstacles, ils poussèrent toujours plus avant, comptant sur leur persévérance et le hasard. C’est à eux, à ces aventureux, que l’on dut la découverte des mines de quartz.

On sait la part qu’y eut le hasard. Un mineur prospectait dans le comté de Mariposa. La journée avait été fructueuse ; au tournant d’un ravin, il se trouva brusquement face à face avec un de ces bandits qui infestaient les mines. Sommé de livrer ce qu’il avait sur lui, il riposta par un coup de carabine qui jeta