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apercevait quelque divergence entre ce projet de loi et la législation en vigueur.

Cette dernière restriction, surtout, fut un objet de scandale pour l’Eglise évangélique de Prusse. On déclara qu’elle avait sa « loi de mai », tout comme l’Eglise catholique. On relevait avec douleur ces paroles du commissaire général du ministre des cultes, prononcées en 1876 au cours de la discussion : « Dans l’Eglise catholique, l’État ne peut pas influer sur la genèse même de la loi ecclésiastique, car cette loi est élaborée à l’étranger ; il peut seulement en permettre ou en défendre la publication. Au contraire, dans l’Eglise évangélique, l’État est en mesure d’arrêter à sa naissance une loi d’Eglise qui lui déplaît ; car les lois naissent dans l’État, avec son continuel concours. » De ces entraves si franchement avouées, l’Eglise évangélique de Prusse pouvait encore se consoler, tant que le Culturkampf mettait l’Église romaine en lisière ; mais du jour où cette dernière recouvra sa liberté, la Prusse protestante donna ce spectacle d’un État qui supprimait pour la législation intérieure de l’Église catholique l’obligation du placet gouvernemental et qui précisait au contraire cette obligation pour la législation intérieure du protestantisme. Le gouvernement de l’Église protestante par un État protestant aboutissait à cette conclusion fatale, que l’Eglise de la majorité — l’Eglise d’État, — traînait après elle un plus lourd fardeau de chaînes que n’en supportait l’Eglise de la minorité, — l’Eglise tolérée.

Historiquement, cette inégalité de traitement était naturelle ; il n’était point surprenant qu’une Église qui, depuis qu’elle existe, a revendiqué son indépendance à l’égard de l’État, fût plus proche d’être exaucée qu’une ancienne Église d’État. Mais dans celle-ci les consciences commencèrent de s’insurger ; et, le 15 mai 1886, quarante-deux membres conservateurs du Landtag prussien, parmi lesquels on distinguait M. le pasteur Stœcker et M. le baron de Hammerstein, signèrent la motion suivante : « Que la Chambre des députés décide d’adresser au gouvernement royal la proposition d’envisager les mesures opportunes pour que, en même temps qu’on rend une plus grande liberté et une plus grande indépendance à l’Église romaine catholique, on garantisse aussi à l’Église évangélique une augmentation équivalente de liberté et d’indépendance, et une plus grande richesse de moyens pour subvenir aux besoins religieux. »