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V

En ce qui concerne les nations de l’ouest et du centre de l’Europe, il ressort de l’observation attentive du mouvement démographique depuis trois quarts de siècle et surtout depuis vingt ans que, au fur et à mesure que l’aisance s’y accroît et qu’elles s’imprègnent de la civilisation démocratique, la fécondité s’y réduit. La conclusion à laquelle nous sommes arrivé, par l’examen attentif des faits sociaux et des statistiques, d’autres y sont parvenus par l’étude de la biologie. Herbert Spencer est le premier qui ait tiré de cette science des conclusions systématiques au sujet du mouvement de la population dans l’avenir. Il avait un précurseur, toutefois, un penseur ayant moins de force constructive dans l’esprit, mais doué de beaucoup de génialité, l’Américain Carey. Le développement de l’individuation, l’extension de l’intelligence et des sentimens, doivent se traduire, à la longue et en moyenne, par un affaiblissement de la fécondité ; il y a des raisons de croire que l’activité reproductrice diminue en proportion de l’intensité du travail nerveux. Cette cause physiologique ne tient, certes, pas encore le premier rang dans la stérilité relative des peuples les plus avancés en civilisation industrielle et démocratique ; mais il serait téméraire de prétendre qu’elle y est étrangère et de la considérer comme négligeable.

Des remarques qui précèdent, il résulte que la France, en arrivant à la période de population stationnaire, paraît n’avoir fait que devancer les autres peuples. L’Angleterre, les États-Unis, la Belgique, la Suisse, les États Scandinaves, sont très nettement engagés dans la même voie et arriveront graduellement au même point ; de même les Pays-Bas, l’Autriche-Hongrie, quoique à pas beaucoup plus lents ; il est vraisemblable que l’Allemagne suivra aussi, et, avec elle, tous les peuples civilisés.

Il faudra, toutefois, plusieurs dizaines d’années avant que ces divers pays, même les premiers cités, se trouvent dans une situation absolument semblable à celle de la France aujourd’hui. En attendant, leur population grandira et les rapports de puissance entre la France et les différentes autres nations, en tant que la population détermine l’influence et la force, s’en trouveront modifiés. Le Royaume-Uni gagne encore en moyenne 400 000 âmes par année du chef de l’excédent des naissances sur les décès, la