Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 143.djvu/888

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La très grande fécondité est, en définitive, une exception temporaire dans la vie de l’humanité et de tout groupe humain. Aussi ne peut-on s’associer aux terreurs du général Brialmont, qui voit « dans 386 ans la population du globe s’élever à 27 milliards, si la terre était en état de la nourrir » et qui, admettant que « la production des subsistances sera insuffisante bien avant que la population ait atteint ce développement », conçoit de vives alarmes et prévoit d’affreuses misères. Nous ne savons si, avec le temps, le globe ne pourrait pas nourrir dans l’aisance 20 à 25 milliards d’hommes ; à coup sûr, sans ajouter trop de foi aux prédictions miraculeuses de M. Berthelot, qui prétend nourrir les hommes de l’avenir avec de petites boulettes de produits chimiques minéraux, si l’on s’en tient simplement aux découvertes plus modestes des agronomes, comme MM. Dehérain, Schlœsing et autres, notre petit globe pourrait vraisemblablement entretenir à l’aise, quand il sera complètement exploité, 10 à 12 milliards d’habitans, au lieu des 1 500 millions qu’il paraît porter actuellement.

Si l’on ne comptait que sur les peuples appartenant à la civilisation occidentale, étant donné que le développement de l’aisance et des sentimens démocratiques chez ces peuples y réduit graduellement la fécondité, il faudrait un temps infini pour qu’on parvînt à cet effectif du genre humain, si jamais on y doit parvenir. Mais la race jaune ou la race noire ne pourrait-elle suppléer à l’insuffisance de fécondité de la race blanche ? Il est de mode, depuis quelques années, de prédire la subordination prochaine, par défaut de fécondité et de sobriété, des blancs aux jaunes et noirs. L’ouvrage de M. Novicow sur L’Avenir de la race blanche, critique avec beaucoup de force ce pessimisme européen et montre combien problématique est ce prétendu péril prochain. On parle souvent dans cette question des jaunes et des noirs, de l’industrie et du commerce, sans bien connaître les uns ni les autres. Un seul peuple jaune commence à être un peu connu, parce qu’il a emprunté les procédés européens de mensuration des faits économiques et sociaux, c’est le peuple japonais. D’après ses statistiques nationales et autant qu’on peut les tenir pour exactes, le taux de la natalité ne serait pas très considérable au Japon ; elle y atteindrait en moyenne pour les onze dernières années 29 pour 1 000, taux considérablement moins élevé que celui de l’Allemagne, de l’Autriche-Hongrie, de l’Italie, de la