Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 143.djvu/916

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

militaire ; dans les autres, on est destiné d’avance à l’armée. Enfin, au-dessus, est l’Institut militaire central, d’où sortent chaque année six cents officiers, et auquel est attachée l’Ecole d’état-major général.

Toutes ces écoles sont fréquentées avec plus que de l’assiduité, avec une espèce de conviction et d’ardeur naïves : les élèves vont s’asseoir jusque sur le plancher, jusque sur l’appui des fenêtres ; ils apprennent par cœur non seulement la leçon du maître, mais les livres qu’il a cités dans sa leçon ; des jeunes gens sans fortune viennent de province à pied, travaillent de leurs mains pour subvenir à leurs besoins pendant leurs années d’école ; les parens dont les enfans sont refusés aux examens portent leurs plaintes et leur désespoir jusqu’au pied du trône… Au fond on se soucie très peu de la science acquise, on ne comprend même pas qu’on puisse faire de la science pour la science, d’une façon désintéressée. Il s’agit d’avoir une place, une petite place : s’il plaît à Dieu, pourquoi ensuite ne deviendrait-on pas maréchal, ministre ou grand vizir ? Malgré ce point de vue assez bas, ces écoles ont fourni d’excellens sujets à l’état-major, et comme rien n’empêche la collation très rapide des grades, on voit des colonels de trente ans. Au contraire, commandans, capitaines, lieutenans, sont la plupart du temps de vieux soldats blanchis sous le harnais, sortis des rangs, sachant parfois à peine lire, si bien que cette armée fait penser à nos troupes de la Révolution et de l’Empire : des colonels imberbes, et des capitaines grognards. La ressemblance n’est qu’extérieure, malheureusement pour les Turcs, et la faveur a souvent un trop grand rôle dans les nominations. C’est un mal, mais le mal peut présenter parfois cet avantage qu’on est alors à même en cas de guerre de choisir entre une grande quantité d’officiers supérieurs encore très jeunes et très actifs. Il faut ajouter que les membres de l’état-major général sont presque toujours à la hauteur de leur tâche. Mais cet état-major n’a pas l’initiative désirable : il est tenu par les scribes, et par les Medjilis, les comités de Constantinople. Les comités : il y en a pour toutes les branches de l’administration, discutant tout et décidant de tout. C’est un comité, ou plusieurs comités qui ont réglé le plan de campagne en Thessalie. Désobéir serait dangereux : on serait infailliblement dénoncé, car la dénonciation, vraie ou calomnieuse, presque toujours écoutée, est la grande plaie du gouvernement. Aussi, craignant d’être responsable, on se refuse à