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qu’ils en sont les familiers, non point par la volonté de leurs parens ou par le fait de leur baptême, mais par une libre adhésion, c’est là un attrait qui sollicite vers les sectes un certain nombre d’esprits indépendans ; se rallier à une secte, c’est en quelque façon se faire sa religion, ou tout au moins la choisir ; et ceux qui souhaitent que leur conscience devienne l’ouvrière active de leur foi échangent volontiers l’hégémonie officielle contre une autonomie séparatiste. Ils coudoient, dans ces modestes convens, d’autres chrétiens qui pensent comme eux, prient comme eux, suivent le même code qu’eux ; parfois il faut, avant le mariage, soumettre à l’approbation des frères le nom de la personne à laquelle on se fiance : un mennonite, par exemple, ne peut épouser qu’une mennonite ; et si l’un des conjoints est mis au ban par la secte, l’autre doit abandonner le commerce conjugal ; les procès entre coreligionnaires sont parfois jugés dans l’intérieur de ces petites églises ; on y admet comme une règle efficace, que chacun des membres fasse à l’ingérence de l’Etat et du pouvoir civil la moindre part possible dans sa propre existence : César est toujours quelque peu suspect dans ces assemblées de croyans. La contrainte religieuse, le droit de surveillance et le droit d’exclusion mutuelle, y sont en vigueur ; tous se sentent une élite à laquelle le premier venu n’est point admis à se joindre ; d’autant plus enclins à saluer en eux-mêmes le peuple de Dieu qu’ils sont un peuple plus minuscule, ils ne confèrent qu’à bon escient la naturalisation parmi eux. Faire nombre, ils n’y tiennent point ; ils craindraient qu’avec un flot de néophytes douteux, un air de tiédeur ne s’engouffrât dans leurs assemblées, et leur rêve n’est point de décimer les églises officielles, mais seulement de les écrémer, si l’on peut ainsi dire, en attirante eux les âmes de prix.

Les clergés d’Etat s’en inquiètent ; mais contre ces sectes si discrètement conquérantes, à peine ont-ils le droit de faire acte d’hostilité ; car, en définitive, si l’on épie l’inspiration générale des institutions religieuses qui font le plus d’honneur au protestantisme allemand, on observe que les écoles du dimanche, où Wichern puisa la pensée de son superbe apostolat, furent créées par les baptistes de Hambourg ; que les premières diaconesses existèrent chez les mennonites ; que beaucoup de missions en pays païen doivent leur origine à des communautés séparatistes et leur vitalité à des sectes. Ainsi les communautés et les sectes, même ouvertement hostiles à l’Eglise officielle, demeurent encore