magnificence ; le protestantisme deviendrait uniquement un apprentissage pour la spéculation religieuse, il en serait alors des salles de réunion protestantes comme de nos classes de philosophie, où le professeur enseigne à penser, et conduit souvent à penser autrement que lui.
Dans les facultés de théologie, l’esprit de critique se déchaîne contre une orthodoxie dont les Eglises établies voudraient arbitrairement maintenir la façade ; dans les sectes, l’esprit de foi souffle, enveloppant dans ses tourbillons quelques faisceaux d’âmes vraiment religieuses, que les Églises établies n’ont jamais su ni satisfaire ni employer ; partout où il y a des souffrances (et où n’y en a-t-il pas ?), l’esprit de charité s’éveille, et secoue depuis un siècle la torpeur des vieux clergés, captifs du luthéranisme pur. Les Eglises officielles se sont attardées en une longue tentative pour juxtaposer, à l’affirmation de la liberté intérieure du croyant, la proclamation d’une autorité extérieure, d’une hiérarchie, que tant bien que mal on érigeait au-dessus des fidèles. Si cette tentative doit être abandonnée, les Eglises elles-mêmes, alors, risqueront peut-être de succomber : ce sera une fiction de moins. Sur les ruines de cette fiction, l’esprit de critique et l’esprit de foi se disputeraient les âmes, librement, en un duel interminable. Mais par-dessus l’un et l’autre planerait l’esprit de charité : on réparerait, par des œuvres, les lassitudes et les angoisses du combat ; et des œuvres on espérerait le salut. Renonçant à être une croyance, fatiguée d’être une méthode de recherche, jalouse d’action, éprise de réalités, la Réforme, à cette heure de crise, rendrait un tardif hommage au vieil apôtre Jacques, que Luther expulsa du Canon parce qu’il avait vanté l’efficacité des bonnes œuvres et parce qu’il avait cru, tout simplement, qu’en faisant le bien on se rend plus digne de trouver le vrai et d’accéder au divin.
GEORGES GOYAU.