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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 144.djvu/350

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sujets de la loi, mais ses créateurs, ils se sentaient les souverains. Si donc, pour accepter une loi mauvaise, ils prenaient prétexte d’une signature royale, ils n’acceptaient plus, par une soumission passive, la volonté d’un autre, ils engageaient par une défection envers la justice leur responsabilité active et personnelle. Et dès que leur conscience religieuse, au lieu d’obéir, jugeait, la sentence des prêtres devait être celle des évêques. Sur trente évêques, deux ; sur trois cents curés, soixante jurèrent. Cette épreuve présageait et fixa le résultat dans la France entière : sur cent trente-cinq évêques, cent trente, sur soixante mille prêtres, cinquante mille refusèrent le serment. Ainsi l’union du haut et du bas clergé, compromise par les pratiques abusives de la monarchie, fut l’établie par la révolte simultanée des évêques et des prêtres contre les vieilles soumissions gallicanes, en attendant qu’elle se cimentât par la souffrance commune où l’Église de France, redevenue elle-même, allait glorieusement laver ses anciennes complaisances pour le pouvoir.

Cette union s’était rétablie par la vertu spontanée de cette Église : et quand Pie VI condamna la Constitution civile[1], il n’eut qu’à confirmer les résolutions déjà prises et les enseignemens déjà donnés par les évêques et les prêtres de France. Mais pour que cette Église achevât sa transformation, et, renonçant à toutes les imperfections tenues jusque-là pour ses privilèges, rentrât dans l’ordre chrétien, il fallait qu’elle reconnût dans sa plénitude la suprématie de la papauté. Or l’Église tranquille et comme assoupie des derniers siècles avait organisé sa vie et son repos de manière à ne pas rompre avec le Saint-Siège, mais à se passer de lui. Les assemblées du clergé et les interventions du pouvoir civil réglaient en France presque toutes les affaires ecclésiastiques sans invoquer le magistère de Rome ; l’autorité pontificale était de toutes les autorités religieuses la plus lointaine, la moins présente à la doctrine des clercs et à la piété des fidèles[2] ; et, à une époque où tous les monarques étaient absolus, il semblait

  1. Ses deux brefs, le premier adressé aux laïques de l’Assemblée constituante, le second à tout le clergé et aux fidèles de France, étaient du 10 mars et du 13 avril 1791.
  2. « Nous connaissons telle ville de 15 000 âmes où, à l’époque du schisme de 1790, jamais les fidèles n’avaient ouï leurs pasteurs leur dire un mot de notre Saint-Père le Pape, de son autorité comme vicaire de Jésus-Christ, de la soumission filiale que tous les chrétiens lui doivent. » Rohrbacher, Histoire de l’Église, t. XIV, p. 304.