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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 144.djvu/54

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REVUE DES DEUX MONDES.

mis au secret qu’il ait été, n’a-t-il pu se procurer d’autres détails ? Mais enfin, croyons Boyer sur parole. Les conditions qu’il expose en sont-elles moins un leurre ? Que veut Bismarck ? Nous traîner jusqu’à l’épuisement complet ! Pour que Bazaine en juge autrement, il faut que l’ambition l’aveugle ou que le péril le fascine !

— Pourquoi ? objecta Décherac, la proposition de Bismarck est peut-être notre salut. Réfléchissez ! Dans le désordre actuel, la restauration impériale peut offrir assez d’avantages à la Prusse pour qu’elle cherche à l’assurer par sa modération.

Restaud hasarda, mais sans conviction, et comme s’il cherchait à se persuader lui-même :

— Puisqu’on a tant fait que d’entrer dans cette voie périlleuse des négociations, l’acceptation de l’Impératrice sauverait tout. Nous ne sommes pas déliés de notre serment ; nous n’avons reçu aucune communication du Gouvernement provisoire. Si l’Impératrice vient loyalement se confier à nous, l’armée suivra cette femme belle et malheureuse, et pour ma part…

— Mais songez donc, Restaud, dit Du Breuil, que si l’Impératrice refuse, comme c’est probable, notre dernière espérance s’évanouit ! Pensez-vous que Boyer ait chance de réussir, là où Bourbaki a sans doute échoué, car je n’augure rien de bon de son silence. Il faut être bien malade pour croire à de pareils fantômes de fièvre ! Dans quelques jours, la faim aura raison de cette foule démoralisée, à bout de patience et de résignation. Bismarck joue de nous comme le chat de la souris. Et l’inepte Bazaine et le Conseil aveugle ne le voient pas !… Ils décidaient, il y a une semaine, que les ouvertures seraient entamées dans les quarante-huit heures, et que, si les conditions de l’ennemi portaient atteinte à l’honneur militaire, on essayerait de se frayer passage par la force… Voilà des résolutions formelles ! Ils se déjugent aujourd’hui. Bien plus, ils se raccrochent à la branche cassée, au régime déchu ; ils n’envisagent même pas l’horreur d’une guerre civile, et dans cette tentative criminelle, pas un d’entre eux ne se demande si l’armée les suivra.

— Nous le saurons demain, dit Beslaud, puisque aujourd’hui même, les commandans de corps d’armée ont réuni les généraux, les chefs de corps et de services pour leur exposer l’état des choses et connaître leur sentiment.

— Oui, railla Du Breuil, et l’on escompte si bien les réponses des généraux que, sans attendre de les connaître, Bazaine, aussi-