enfin sa science et sa pédagogie, — cela dans ces vingt-cinq dernières années. De ces trois problèmes que soulèvent les livres que je viens de citer, je ne voudrais retenir aujourd’hui que le premier. Des trois, il paraît le plus simple, le plus susceptible à coup sûr d’être résolu dans le sens de l’une des deux opinions extrêmes,
« Ce que les Français croient nouveau dans leurs idées littéraires actuelles, disait Gœthe à Eckermann en plein mouvement romantique, n’est au fond rien autre chose que ce que la littérature allemande a voulu faire et a accompli depuis cinquante ans. » Mais Sainte-Beuve, gardien vigilant de ce qu’on nomme la tradition nationale, en appelait aussitôt de ce jugement, et triomphant de l’ignorance de ses contemporains, il proclamait fièrement que la génération romantique n’a rien dû d’essentiel à l’Allemagne : « Même lorsqu’on imitait, dit-il, il y avait une certaine ignorance première, une demi-science qui prêtait à l’imagination, et lui laissait de sa latitude. » — Et, à vrai dire, si l’on ne peut écarter légèrement le témoignage de Gœthe, force est de peser aussi celui de Sainte-Beuve.
Entre les deux, faut-il choisir ? Je ne le pense pas, et je m’estimerais heureux si je montrais, par un exemple, combien ces problèmes complexes sont généralement peu susceptibles d’une solution trop simple.
Et d’abord, qu’est-ce que nos romantiques ont exactement connu de l’Allemagne ? du pays, de la littérature, de la langue ? Avant de parler de l’influence d’une pensée étrangère, il importe de préciser par quelles voies cette influence s’est introduite chez nous et de se demander si ceux qui s’en sont constitués les interprètes avaient qualité pour assumer le rôle, difficile entre tous, de truchemens entre deux nations ? A vrai dire, il faut éviter ici une méthode trop matérielle, chère aux critiques d’outre-Rhin, qui consiste, par exemple, à mesurer l’influence allemande dans Musset ou dans Hugo par la connaissance que ces poètes pouvaient avoir de la langue allemande : quand on voudra apprécier plus tard l’influence du roman russe sur notre littérature d’aujourd’hui, se demandera-t-on quelle habitude avaient de la langue russe M. Paul Bourget ou M. Gabriel d’Annunzio ? et n’est-ce pas une critique bien étroite que celle qui méconnaît,