allemande s’est surtout exercée au théâtre dans la première, sur le roman et la poésie dans la seconde. A vrai dire, nos grands lyriques n’ont presque rien dû aux lyriques allemands. Mais nos dramaturges sont les créanciers d’un Schiller ; nos romanciers, d’un Hoffmann ; nos poètes, d’un Gœthe ; et je n’ai rien dit de la dette contractée par un Michelet envers un Niebuhr ou par un Quinet envers un Herder. D’une façon générale, entre 1810 et 1840, notre littérature s’est volontiers appuyée sur les modèles fournis par nos voisins et s’est autorisée de leur exemple. Quoi qu’on ait pu dire des erreurs ou des exagérations de Mme de Staël, le livre De l’Allemagne nous a puissamment aidés, pendant plus de trente années, à pénétrer dans un monde en grande partie nouveau pour nous, dans lequel nous avons plus d’une fois, sans cesser d’être nous-mêmes, reconnu l’image d’une France qui se cherchait encore. Et l’on peut bien accorder à Sainte-Beuve, il est vrai, que notre affection a été parfois aveugle et notre admiration indiscrète. Mais c’est à la condition d’accorder à Gœthe que l’Allemagne avait, dès 1800, réalisé une bonne part de ce que la France réclamait en 1820, et que, dans notre moderne Europe, qui dit antériorité, dit influence.
Un historien comparait jadis la culture intellectuelle du monde à un arbre où chaque branche participe à la vie des autres et où les seuls rameaux inféconds sont ceux qui s’isolent et se privent de la communion avec le tout. Notre école romantique tient une assez grande place dans l’histoire de ce siècle qui va finir pour qu’on reconnaisse loyalement, sans exagération ni parti pris, qu’elle n’a pas échappé à cette loi de solidarité qui est, pour les œuvres de la pensée comme pour les autres, la loi même de la vie.
JOSEPH TEXTE.