Des reboisemens[1], des regazonnemens même (on les estime à 20 millions), avec quelques travaux pour défendre les rives en Auvergne et en Velay, arrêteraient toute érosion ; la Loire pourrait alors lentement évacuer l’excès de ses sables.
Le troisième fléau de la Loire est l’homme.
Il y a cinq ou six mille ans, de braves paysans cultivaient une vallée fertile ; pas de pluie, un ciel de feu, mais un fleuve ; la crue annuelle donnait le limon, partant la fécondité. On bâtissait les villages sur des tertres, unis par des chaussées. La crue venait, s’apaisait en inondant les terres, respectait villages et chaussées ; l’eau partie, on semait sur le nouveau limon : la récolte était magnifique sans que la crue eût rien détruit.
Du premier coup les Egyptiens avaient trouvé la solution. Les modernes, plus civilisés, ont cru mieux faire. Ils ont erré. Des coteaux qui maintiennent le lit majeur, ils sont descendus jusqu’au bord du lit inférieur, et, sans surélever la base de leurs villages, ont bâti au niveau des berges mineures. Les crues ont balayé maisons, champs et vergers. Pour les protéger, on les a entourées d’une levée de terre. Les lignes de levées, de « turcies », se sont allongées à perte de vue, partout où les coteaux, en s’écartant, offraient à la culture de riches plaines d’alluvions. Dès Louis le Débonnaire, on y travaille : ses capitulaires en font foi. Au moyen âge, les grands seigneurs angevins et tourangeaux récompensent la fidélité de leurs sujets par de nouvelles concessions de « laisses de Loire. » L’endiguement continue de plus belle, se resserre ; le fleuve, entre ces levées, se gonfle, augmente de vitesse et fait brèche à toute crue. Alors ce sont d’effroyables désastres : moissons perdues, arbres fauchés, maisons effondrées, routes coupées, bêtes et gens noyés. « Les digues ne sont pas assez solides », dit-on. Le XVIIe et le XVIIIe siècle sont employés à les surélever de 3 ou 4 mètres à 7 mètres et même plus ; le lit majeur a été réduit des deux tiers, entre l’Allier et Nantes. Naturellement digues de crever et ravages d’augmenter à proportion.
- ↑ La surface du bassin supérieur de la Loire est de 80 000 hectares environ ; on n’a déclaré d’utilité publique pour le reboisement dans la Haute-Loire que 5 235h,28, et 4 100 seulement dans la Loire.