comme si les vieilles rancunes de la Hongrie contre la Russie commençaient, au bout d’un demi-siècle, à s’émousser par l’action du temps et de circonstances toutes nouvelles.
Quoi qu’il en soit, la triple alliance, tout en se maintenant avec une solidité sur laquelle nous aurions tort de nous faire illusion, ne subsiste qu’à la condition de s’inspirer d’un esprit qui n’est plus tout à fait celui d’autrefois. Si l’Italie y est entrée, c’est moins pour prendre que pour donner des garanties contre nous ; mais depuis la chute de M. Crispi, depuis l’avènement du ministère Rudini-Visconti-Venosta, tout en restant fidèle à ses alliés, elle a modifié d’une manière sensible son attitude à notre égard. Si l’Autriche-Hongrie y est entrée également, c’est à la fois pour prendre et pour donner des garanties contre la Russie. On peut d’autant moins en douter que son traité avec l’Allemagne a été publié : la Russie y est visée nominalement. Mais cela ne l’a pas empêchée de se rapprocher peu à peu de son grand voisin de l’Est, et de s’entendre avec lui sur des intérêts qu’ils déclarent l’un et l’autre n’être pas inconciliables. Ce sont là des phénomènes très significatifs. La triple alliance subsiste à la manière de tant d’autres choses, qui ne durent qu’à la condition de se transformer. N’est-ce pas, d’ailleurs, la condition de la vie elle-même ?
P. - S. — Au moment de mettre sous presse, nous apprenons que le comte Badeni a donné sa démission et qu’elle a été acceptée par l’Empereur François-Joseph. On a lu plus haut un article sur la décomposition des partis en Autriche, et sur l’anarchie parlementaire qui en résulte. Cette anarchie s’est fait sentir dans la rue sous la forme de commencemens d’émeutes, et il est certainement regrettable que le ministère Badeni ait paru céder à ce genre d’intimidation. On parle de la formation d’un ministère Gautsch, qui sera probablement un ministère de transition, un peu analogue à celui que présidait le comte Kielmansegg avant la constitution de celui qui disparait. Nous aurons à revenir sur cette situation.