Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 144.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Espagne : « J’ai tout tenté pour garantir la sécurité de mes peuples et préserver l’Espagne elle-même des derniers malheurs. L’aveuglement avec lequel ont été repoussées les représentations faites à Madrid laisse peu d’espoir de conserver la paix. J’ai ordonné le rappel de mon ministre. Cent mille Français, commandés par un prince de ma famille, par celui que mon cœur se plaît à nommer mon fils, sont prêts à marcher en invoquant le Dieu de saint Louis pour conserver le trône d’Espagne à un petit-fils de Henri IV, préserver ce beau royaume de la ruine et le réconcilier avec l’Europe. »

La grande majorité de la Chambre accueillit par des acclamations le discours du Roi, et l’on put voir dès lors que, malgré les vives discussions auxquelles on devait s’attendre dans le Parlement, le gouvernement aurait une grande majorité pour le couvrir. En effet, à la Chambre des pairs, l’ensemble de l’adresse fut voté par 99 voix contre 28, — 16 membres de l’opposition s’étant abstenus, — et à la Chambre des députés, par 202 voix contre 93. Les crédits militaires furent adoptés un mois plus tard, à des majorités égales, sur les rapports de M. de Martignac, à la Chambre des députés, et de M. de La Forêt, à la Chambre des pairs ; mais ce ne fut pas, on le sait, sans des discussions extrêmement violentes et qui amenèrent l’expulsion de Manuel et la retraite temporaire d’un certain nombre de députés de la gauche. Par suite du choc inévitable entre les partisans de l’autorité royale et ceux de la souveraineté populaire, dans un pays où la nation avait tour à tour, depuis vingt-cinq ans, renversé et laissé rétablir ces principes contradictoires, on devait s’attendre à de pareilles luttes, qui en présageaient bien d’autres dans l’avenir. Quand on relit l’histoire de ces discussions passionnées, comme je viens de le faire, dans le livre de M. de Viel-Castel, on ne peut s’empêcher de trouver que Chateaubriand y prit une part considérable et décida plus que M. de Villèle la grande majorité des votes favorables à l’expédition.

Son premier discours, à la Chambre des députés, en réponse à M. Bignon, fut très habile. Je n’en veux citer que deux passages : « A Vérone, dit-il, les puissances alliées n’ont jamais parlé de la guerre qu’elles pouvaient faire à l’Espagne ; mais elles ont cru que la France, dans une position différente de la leur, pourrait être forcée à cette guerre. Le résultat de cette conviction a-t-il fait naître des traités onéreux ou déshonorans pour la France ?