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la doit à ces héros, pauvres et bons, au grand cœur, à l’âme naïve, qui ne comptaient dans les armées que pour un chiffre, et qui n’ont laissé aux lieux où ils ont combattu d’autre souvenir que leur nom de peuple : un Français !

Souvorof passa par Vienne et, dès la première entrevue, il pressentit le conflit avec les Autrichiens : conflit de stratégie avec le Hofkriegsrath, qui voulait commander de loin des mouvemens, longs et lents ; conflit de politique avec la chancellerie, qui voulait mener la guerre par échelons, prendre les places, rogner les frontières, occuper le pays, se nantir, en un mot. Lorsque les Autrichiens l’interrogèrent sur son plan de campagne, il montra un blanc-seing du tsar Paul. Quand ils lui demandèrent où il prétendait marcher, il répondit : « Paris » ; et comment ? « En fonçant sur l’ennemi, en cherchant les occasions, en les saisissant aux cheveux. » Les Autrichiens en voulaient toujours revenir à la guerre de limites, tortueuse et pédantesque, de 1792-1793. Il y opposait la guerre à la Bonaparte, la pointe directe sur les capitales, la stratégie des coalitions futures de 1813 et de 1814. Il passa les Alpes, aux premiers jours du printemps, par ces défilés qui avaient arrêté Bonaparte à l’automne de 1797, et tomba sur l’Italie, comme Bonaparte y devait tomber en 1800. ¬¬¬

III

Souvorof avait, sous son commandement, 17 000 Russes, 35 000 Autrichiens, en tout 52 000 hommes, dont 6 à 7 000 cavaliers. Schérer, à qui l’on avait adjoint Moreau, lui en opposait 30 000 à peine, dont les Italiens et 3 à 4 000 Polonais. Ce fut Moreau qui reçut le choc. Avant la bataille, Schérer fut rappelé, et Moreau investi du commandement en chef. Ce fut pour essuyer, le 27 avril, à Cassano, une défaite qui livra aux Russes la haute Italie. Moreau se retira derrière le Tessin, puis derrière le Pô, et, finalement se retrancha près d’Alexandrie, attendant Macdonald et l’armée de Naples qu’il appela, en toute hâte, à son secours.

Cependant, à mesure que les Russes avancent, les républiques s’écroulent ; les peuples s’insurgent. Brescia, Bergame, ces cités turbulentes que Bonaparte n’avait jamais pu soumettre, donnent le signal. Les autorités républicaines s’évanouissent, les démocrates s’enfuient, et, s’ils ne fuient pas, sont massacrés. Tout Français qui est rencontré est assassiné ; les prêtres, plus