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obtenue uniquement au moyen de barrages, les rives du fleuve étant à un niveau trop bas.

D’autres projets sont alors présentés, encouragés par une subvention fournie par le roi ; Isnard propose de creuser un canal latéral au fleuve, avec le nombre inadmissible de 183 écluses ; Céard et Pattu demandent qu’on barre la Seine à son embouchure, ne laissant au jeu des marées et au débit du fleuve qu’une étroite ouverture, travail dépassant comme prix et comme difficulté tout ce que l’on croyait alors exécutable. Il ne fut également donné aucune suite aux propositions modestes de Forfait et Sganzin. Les guerres de la Révolution et de l’Empire empêchèrent, non les idées qui hantèrent l’esprit de Napoléon comme antérieurement l’esprit d’Henri IV et de Colbert, mais la mise au jour de projets étudiés.

Il faut arriver à l’année 1824 pour trouver une nouvelle tentative d’amélioration du fleuve ; celle-ci fut très sérieuse. Un comité fut formé sous le patronage du prince de Polignac, alors ambassadeur à Londres, pour préparer les études d’un projet, et, le 31 décembre de cette même année, le président du Conseil lui promit l’appui du gouvernement.

Il a été souvent rappelé que, le 29 novembre 1824, Charles X, lors de l’inauguration du canal Saint-Denis, avait incité les ingénieurs à faire de Paris un port de mer ; le 25 janvier 1825, une ordonnance royale autorisa le comité à faire « les travaux préparatoires à leur entreprise », travaux auxquels coopérèrent les ingénieurs Pattu, Fresnel, Petit, Sénéchal, Dausse, Pouètre. puis Mathieu et Savary[1]. Ces ingénieurs, jeunes alors et pleins d’ardeur, ont laissé une trace brillante de leur passage dans le corps des Ponts et Chaussées ou dans la science ; leur levé du bassin de la Seine reste une œuvre remarquable.

La profondeur de la Seine est donnée par des profils, son étiage déterminé, la topographie à l’échelle du dix-millième est très soignée, et un nivellement, contrôlé par les observations les plus récentes, montre le soin avec lequel il a été établi. Bien plus, des centaines de forages et des déterminations géologiques nous renseignent sur la nature du sous-sol, et sur la

  1. J’ai connu deux des ingénieurs qui avaient travaillé à ce levé, MM. Mathieu et Dausse. Le premier a laissé un nom parmi les astronomes. M. Dausse, correspondant de l’Institut, est mort à Rome, il y a quelques années, presque centenaire.