M. Zola lui-même ; et tant que nous ne l’avons trouvée que dans ses articles ou dans ses livres, elle ne nous a ni surpris ni désobligés. Elle n’est en contradiction ni avec la nature d’esprit de l’auteur, ni avec la nature même de l’esprit humain, mal protégé contre les séductions de l’amour-propre. L’illusion à laquelle cède M. Zola est assez commune, et il s’en faut qu’il soit seul à en être dupe. Il est clair que l’œuvre de chaque écrivain est en quelque manière le résultat de tout le travail antérieur ; de là, par une pente aisée, on glisse à croire qu’elle en est aussi bien l’objet et la fin. La doctrine de la finalité se prête à des interprétations périlleuses. Mais il s’est trouvé un homme de bonne volonté pour accepter le point de vue de M. Zola, s’y installer, et de là, dans une large perspective, découvrir toute l’histoire littéraire du siècle. C’est M. Georges Meunier, auteur d’un livre dont le titre lui est fourni par la langue commerciale : Le bilan littéraire du XIXe siècle[1]. M. Meunier avait déjà donné des Pages choisies d’Emile Zola dans une collection destinée à ceux qui, n’ayant pas le temps de tout lire, ne veulent lire que de l’excellent. Il célèbre un culte, dont ces publications sont les rites. Son nouveau livre est un acte d’humilité et d’adoration. M. Meunier est professeur ; il enseigne la littérature dans un lycée de province ; il appartient à l’enseignement moderne et même, comme on voit, ultra-moderne. La foi peut soulever des montagnes. Espérons que la foi de M. Meunier aura du moins accompli ce miracle, de réconcilier M. Zola avec la critique universitaire.
Bien en a pris du reste à M. Meunier d’adopter l’idée maîtresse qui circule à travers son livre. Elle en fait l’unité, et, si j’ose dire, elle lui prête un air de simplicité. Elle met quelque chose de nouveau dans une étude qui, sans cela, ne différerait pas assez des études antérieures auxquelles elle se réfère et qu’elle reproduit avec un excès de docilité. Elle y met un élément d’intérêt, qui consiste précisément à montrer ce que peut produire la méthode des romanciers naturalistes, appliquée à l’histoire des lettres. Voici quelques traits de cette méthode, d’après le spécimen ingénu qu’on nous en présente. C’est d’abord la suppression de toute analyse des idées. De grands mots tels que « envolée », mais surtout des épithètes répétées à satiété : « formidable », « étonnant », « prodigieux », tiennent lieu de longues explications. « Au milieu du travail prodigieux qui s’accomplit en ce moment dans la poésie... » écrit M. Meunier. Nous voyons assez bien ce qu’il peut y avoir dans ce travail de curieux, d’inquiétant, de vague ou de confus ; mais
- ↑ Georges Meunier, le Bilan littéraire du XIXe siècle, 1 vol. de la Bibliothèque Charpentier (Fasquelle). — Pages choisies d’Emile Zola (Armand Colin).