M. Jean Lorrain ne fut jamais mieux inspiré qu’en écrivant ce joli récit si simple et d’une mélancolie si pénétrante qui a pour cadre la petite ville de l’Artois où se passa son enfance. Comme on la voit bien apparaître derrière ses remparts évoquée du passé, ainsi qu’une estampe un peu jaunie cette petite ville de Montfort-les-Fossés, avec son vieux beffroi où ne sonnaient plus les heures, les logettes de son marché aux volets immuablement clos, ses ruelles poudreuses et désertes aux noms surannés et charmans, où l’on retrouve des détails d’architecture et de coutumes, des traits de mœurs, un tas de vieilles petites choses démodées que ne dépare pas d’ailleurs la cousine Corisande de Vassenoisse avec ses prétentieux racontars et ses histoires de l’autre monde. Ma Petite Ville[1] a toutes les qualités d’une publication de choix ; elle en a l’élégance, l’impression irréprochable, sur vélin ; avec ses illustrations à l’aquarelle, de Manuel Orazi, gravées à l’eau-forte et imprimées en couleurs, si fraîches et si lumineuses, — par exemple les marais de la Sorgue, — avec ses vignettes si pittoresques de Léon Rudnicki, elle fait grand honneur à l’éditeur.
Une des plus belles publications de l’année sera certainement ce volume sur la Danse,[2] qu’édite avec tant de luxe la maison Hachette. La danse, qui n’éveille que des idées de grâce, de douceur, de légèreté naturelle, la danse, ce poème rythmé, que développe devant nous, en tableaux vivans, la beauté plastique dans la perfection de ses formes, a trouvé son historien en M. G. Vuillier, qui en parle avec autant de goût qu’il en a mis à la représenter dans ses dessins sous ses diverses formes. Son beau livre, qui retrace l’histoire de la danse à travers les âges, s’ouvre avec les scènes peintes dans la nuit des tombeaux des Pharaons au Sérapéum, et se clôt sur la danse des flammes aux Folies-Bergère et le ballet de Sardanapale à l’Olympia. L’origine de la danse qui fut en usage dans tous les temps et dans tous les lieux paraît avoir eu un caractère religieux et ses règles, ses lois analogues à celles de la musique et de la sculpture. Dans l’antiquité païenne et l’antiquité biblique, la danse se confond avec le culte de la religion. Mais si les danses n’ont pas beaucoup varié, depuis le temps de Moïse, les Hébreux ne sont plus seuls à danser devant le Veau d’Or et nos danseuses légères à faire des jetés qui rappellent les danses voluptueuses des ludions étrusques et qui dérivent de cette danse dite γέρανος