loi de 93 ! Les Anciens frémissent à ce récit et se rassurent aussitôt. La déroute des Cinq cents les ranime. Quelqu’un enfin a voulu, a fait quelque chose, et la force a dénoué la crise. Alors chacun s’empresse vers les amis du pouvoir nouveau. On acclame, on félicite les soldats ; on se félicite surtout d’être sorti du péril, et l’on s’avoue que l’on a eu très peur. Puis, comme la nuit est venue, que l’on n’a point dîné, on envahit les cabarets d’alentour. Lucien fait ramasser ceux des Cinq cents qu’il croit disposés à se rallier ou qu’il savait gagnés d’avance. Cette arrière-garde désastreuse d’une Chambre dispersée se réunit à neuf heures dans l’Orangerie. « Figurez-vous une longue et large grange, remplie de banquettes bouleversées, une chaire adossée au milieu contre un mur nu ; sous la chaire, un peu en avant, une table et deux chaises. » Sur cette table, deux chandelles, autant sur la chaise. Les députés mornes, éreintés, errent dans l’obscurité, s’étalent sur les banquettes ; il fait si noir qu’on ne peut apprécier, même vaguement, leur nombre. Les témoins varient entre 30 et 120, la plupart s’arrêtent à la moyenne de 50. Ajoutez, ce qui fait confusion, des curieux, des domestiques pris par le froid et qui se réfugient dans la salle. Ce parlement croupion se déclara majorité du Conseil. Il décide que Bonaparte a bien mérité de la patrie en sauvant le Corps législatif d’une minorité assassine ; il décrète qu’il n’y a plus de Directoire ; il dresse une liste de proscription ; il s’épure.
Boulay fait le programme du gouvernement futur : le peuple veut la paix ; il veut le bonheur domestique : « Ce bonheur consiste dans le libre exercice de ses facultés naturelles et acquises, dans la jouissance assurée de sa personne, de sa propriété, des plaisirs de son choix. Il consiste, en un mot, dans la liberté civile. » Cette liberté manque, faute de gouvernement. Boulay propose d’en créer un provisoire composé de (rois consuls, Sieyès, Roger Ducos et Bonaparte, qui auront la mission de rétablir l’ordre dans l’administration, la paix au dedans et au dehors. Une commission de vingt-cinq membres assistera les consuls dans l’expédition des affaires, et préparera une constitution. Les Conseils seront ajournés au 20 février 1800. Ces mesures sont votées, et Ton y ajoute une proclamation, rédigée par Cabanis : « La République et la liberté cesseront d’être de vains noms, et une ère nouvelle commence ! »
Ces votes furent ratifiés par les Anciens, avant une heure du