Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se publiait en quelques bons, gros et forts volumes ; aujourd’hui elle se disperse en des centaines de notices semées à tous vents comme la graine du moissonneur. « Il existe 565 sociétés médicales, écrit M. Paul Otlet, ce qui permet d’évaluer au décuple environ, soit à 6 000, le nombre des sociétés du monde entier. Toutes ces sociétés publient un bulletin qui contient par an 10, 20, 50, 500 mémoires ! » Notre Académie des sciences publie à elle seule 5 000 mémoires ou notices tous les ans. Un catalogue général des articles contenus dans toutes ces publications atteindrait le chiffre de 600 000 notices par an. Tel est le formidable afflux qu’il s’agirait d’endiguer et de canaliser pour le plus grand bien de la littérature et de la science.

Une troisième cause, qui fait la difficulté et l’importance du problème bibliographique, est que la production scientifique et littéraire devient de plus en plus internationale. On a vu récemment trois savans, l’un au Japon, l’autre en Allemagne, le troisième à Paris, faire presque simultanément la même découverte. Dans tous les pays du monde on s’occupe des mêmes questions, et de quelle utilité n’est-il pas pour tout érudit, pour tout savant, pour tout ingénieur, d’être tenu rapidement et exactement au courant de ce que produisent ses confrères, afin de pouvoir profiter dans son travail de chacune de leurs découvertes et ne pas peiner des semaines et des mois à la poursuite d’un but déjà atteint ! Or, plus le besoin est grand pour nous de nous tenir au courant de ce qui se produit dans le monde sur les questions qui nous intéressent, plus grande aussi est la difficulté, car s’il nous est possible, à la rigueur, de ne pas laisser échapper de travaux importans produits dans notre propre pays, comment exercer le même contrôle sur la production du monde entier ?

Et, à mesure que la production des différens pays se pénètre réciproquement, se pénètre réciproquement la production des différentes sciences exerçant leur action les unes sur les autres. Journellement le médecin aura besoin des découvertes faites par le physicien ou le chimiste. De combien de sciences n’est pas tributaire un ingénieur ? et celui qui s’occupe des sciences ou des arts appliqués à l’industrie ? et l’officier ou l’ingénieur qui travaille au perfectionnement des engins de guerre ? et le constructeur qui dessine et aménage nos grands cuirassés ? Et l’observation faite à propos de la production internationale se répète ici : s’il est à la rigueur possible à un spécialiste de se tenir au courant des écrits