au principe. Que se propose, en somme, toute réglementation de la Bourse ? On veut rogner les ailes de la spéculation sans arrêter l’essor de l’esprit d’entreprise. Ici, comme ailleurs, il sera toujours malaisé d’avoir les avantages de la liberté sans les inconvéniens de la liberté.
A la réglementation de la Bourse se rattachent les impôts sur la Bourse. Il est légitime que la Bourse paye sa part d’impôt, comme il est naturel que le fisc s’efforce de saisir à leur passage les valeurs pour les frapper d’une sorte de péage ; mais doit-on attribuer au fisc un autre rôle ? peut-on faire du fisc un agent de moralité ? Certains voient en lui un frein aux emportemens de la spéculation ; ils sont d’avis qu’on ne saurait trop taxer les transactions de Bourse, surtout les opérations à terme. Il va de soi, en effet, que chaque accroissement de l’impôt rétrécit la marge des bénéfices, jusqu’à ce que l’impôt les absorbe entièrement. Pour tuer la spéculation, il n’y aurait qu’à l’écraser sous le poids des taxes. Le procédé semble infaillible, mais, avec la spéculation, on étoufferait, sous la pression du fisc, les affaires elles-mêmes et l’esprit d’entreprise, déjà bien débile et presque expirant en France. Le fardeau des impôts, droit de timbre, droit d’abonnement, droit de mutation, sans compter l’impôt sur le revenu, est déjà bien lourd. Il s’est trouvé si pesant que, au printemps de 1890, le ministère Bourgeois-Doumer, peu suspect de tendresse envers les capitalistes, l’a grandement allégé quant aux rentes françaises. Exempter les transactions sur nos rentes des droits qui frappent le marché des autres valeurs, n’est-ce pas reconnaître, officiellement, que ces droits sont excessifs et arrêtent l’essor des valeurs ? Augmenter les taxes sur la Bourse ne serait pas toujours, du reste, juguler la spéculation, mais tout simplement la faire émigrer. Le ministère des finances paraît l’oublier, quand il vient apporter au Parlement des projets de surtaxe sur les valeurs mobilières, spécialement sur les valeurs étrangères. La plupart se refuseront à rationnement au timbre que le ministre se flatte de leur imposer ; pour se dérober aux prétentions nouvelles du fisc, elles n’auront qu’à repasser la frontière. Le Trésor n’y gagnera rien, et la victime de la nouvelle législation fiscale sera, tout simplement, le marché de Paris, c’est-à-dire une des forces vives du pays. Nous aurons affaibli, de nos propres mains, le grand marché financier, qui, à travers nos désastres, était demeuré un des instrumens de la puissance française.