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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/360

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sociétés dont les gouverneurs et sous-gouverneurs sont nommés par l’Etat, telles que le Crédit Foncier et l’ancien Crédit Agricole, savent, par expérience, que ce n’est une garantie, ni pour les actionnaires, ni pour le public. Ne se souvient-on plus des difficultés traversées par le Foncier, sous la troisième République, et des cent millions de valeurs égyptiennes, endossées par les gouverneurs de cet établissement, opération qui a fini par bien tourner, mais qui eût pu compromettre l’institution ? Et depuis lors, le contrôle de l’État n’a pas empêché ce grand établissement d’être, à tort ou à raison, en butte à des reproches et à des suspicions de toute sorte. Aucun, on le sait, n’a plus abusé de la publicité et n’a encouragé davantage la mendicité de la presse, subventionnant, indistinctement, les journaux de tout bord ; aucun peut-être, lors des émissions, n’a été plus prodigue de ses syndicats de garanties, ni plus souvent soupçonné d’accorder une large part de ses syndicats à des amis notoirement sans ressources ou à des hommes de paille, derrière lesquels se cachaient on ne sait quels personnages politiques ; aucun même, à tort sans doute, nous voulons le croire, n’a été plus souvent accusé de fomenter la spéculation et d’encourager l’agiotage.

Il n’est pas jusqu’au fonctionnement habituel du Foncier, à ses prêts sur immeubles qui, aux yeux de ses détracteurs, n’aient semblé parfois viciés par ses complaisances volontaires ou forcées envers les hommes en place et les politiciens en crédit. Quoique le mal ait été sans doute moindre que ne l’imaginait la malignité publique, on a pu citer des prêts sur des terres ou sur des châteaux, des avances plus ou moins outrées, sinon entachées d’irrégularités, consenties à des députés ou à des personnages plus ou moins influens. Et nous ne parlons pas ici d’un autre grief, dont il a été fait grand bruit, à d’autres époques, des interventions plus ou moins fréquentes du Foncier à la Bourse, sur le conseil ou sur l’ordre du ministre des finances. Il se peut que l’opinion ait été parfois trop soupçonneuse ou trop sévère, et que, au lieu d’amener des révélations accablantes pour certains hommes publics, une enquête sur les agissemens du Crédit Foncier les lavât de beaucoup de ces accusations ; peu importe ici. Quand les reproches faits à ce grand établissement seraient tous immérités, il n’en serait pas moins vrai que, s’il avait été indépendant du gouvernement, la plupart n’auraient pu lui être adressés ; on eût été moins prompt à lui imputer des complaisances illégitimes envers