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LE CENTENAIRE
D’AUGUSTE COMTE

Lorsqu’il y eut, voici bientôt deux ans, trois siècles écoulés depuis la naissance de Descartes, cet anniversaire fut célébré à Paris dans une réunion de savans et de philosophes. On y annonça une édition nouvelle des œuvres de Descartes, entreprise sous le patronage du ministre de l’Instruction publique, et confiée aux soins de MM. Ch. Adam et Paul Tannery. Quel meilleur hommage aurait-on pu rendre à la mémoire du grand philosophe ? A l’étranger, plusieurs sociétés savantes tinrent également une séance solennelle en son honneur.

Aujourd’hui, le temps amène, à son tour, le centenaire de la naissance d’Auguste Comte. Le 19 janvier 1898 sera jour de grande fête pour les sociétés et les églises positivistes, plus ou moins orthodoxes, qui existent un peu partout dans le monde. Mais cet anniversaire ne sera pas célébré, comme l’autre, par l’unanimité de ceux qui pensent, dans un même sentiment d’admiration et de reconnaissance. D’où vient cette différence ? Sans hasarder ici un parallèle entre Descartes et Comte, nous remarquerons seulement qu’entre le premier et le troisième centenaire d’un philosophe, le jugement de la postérité a le temps de se modifier et de se mûrir. Quel penseur a été plus mal étudié et plus légèrement critiqué que Descartes lui-même, au XVIIIe siècle ? Spinoza, Leibniz, Kant, étaient-ils connus et mis en leur place, cent ans après leur naissance, comme ils le sont à présent ? Plus une doctrine a de portée et d’influence, plus elle court risque d’être, au moins partiellement, méconnue. Que, plus d’un demi-siècle après son apparition, on ne la regarde pas encore de sang-froid, c’est une preuve de son efficacité. Tel est le cas de la philosophie d’Auguste Comte. De récentes polémiques ont montré qu’elle soulève encore chez nos contemporains des contradictions passionnées. Il faudra du temps,