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« réponse » est une « réponse » ; et, au contraire, quand elle n’en est pas une ! Il faut savoir qui a commencé ! Il faut savoir si, dès qu’un homme expose ou publie, c’est-à-dire dès qu’il se met en avant, sans en avoir été prié par personne, ce n’est pas nous qui, en le jugeant ou en l’appréciant, répondons à sa provocation ! Et c’est pourquoi, de dire que nous n’avons pas demandé, nous critiques, au dramaturge de faire jouer son drame, au romancier d’écrire son roman, au poète enfin d’imprimer ses vers, je ne sais pas si cela est plaisant dans la forme, paradoxal, ou « drôle », mais j’affirme qu’il n’y a rien de plus sérieux dans le fond.

Avouons-le donc loyalement : on n’écrit que pour être lu ; et on ne veut être lu que pour avoir des admirateurs, des approbateurs, des appréciateurs ou des juges de sa manière de sentir ou de penser ; et en vérité nous l’oublions trop aisément. S’il ne s’agissait que de réaliser notre rêve intérieur de beauté, comme le vont répétant quelques aimables dilettantes, — qui peuvent d’ailleurs être de vrais artistes, mais qui ne laissent pas de se moquer du monde, — nous écririons, nous peindrions pour nous, nous n’imprimerions pas, nous ne nous ferions pas jouer, nous n’exposerions pas, nous ne jouerions pas nous-mêmes, nous ne chanterions pas sur une scène. L’amour de la gloire, — et tout ce qui se peut envelopper de noble, mais quelquefois aussi d’assez mesquin sous ce nom, — si ce n’est pas le principal mobile qui pousse l’artiste à produire, voilà du moins celui qui le pousse à se produire.

Et plus tard, à la vérité, d’autres considérations se mêlent à cette impatience un peu vaine de provoquer la curiosité. Il n’est heureusement pas certain, — comme l’a dit quelque part Diderot, je crois, — que la première partie de la carrière d’un artiste ou d’un écrivain s’emploie à faire valoir son nom au moyen de ses ouvrages, et la seconde à faire valoir ses ouvrages au moyen de son nom. On en voit, et heureusement, qui deviennent plus difficiles pour eux-mêmes à mesure que, connaissant mieux les difficultés de l’art, ils se rendent mieux compte de leur impuissance ou de leur faiblesse. D’autres encore s’avisent que les mots exprimant des idées, et toute idée finissant par devenir un principe d’action, on ne saurait l’oublier sans manquer au premier devoir de l’écrivain. Mais, à cette intention plus noble, plus désintéressée surtout, quelque souci d’être approuvé, sinon applaudi, continue de se mêler toujours, puisqu’aussi bien il se mêlait l’ardeur de prosélytisme d’un Pascal. Je ne parle pas de ceux qui ne voient dans leur talent qu’un instrument de fortune, et qui font du « roman »