Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/607

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de masses nulle part, ils avaient faiblement disputé les passages de la Sambre, et leur défense peu opiniâtre, quoique habile et vaillante, de Gilly et de Gosselies semblait avoir eu pour objet bien plutôt de protéger une retraite que de couvrir une concentration.

Quand l’Empereur, rentré à la nuit à Charleroi[1], eut pris connaissance des rapports de Grouchy et de Ney, il s’imagina donc que les alliés déconcertés par son agression imprévue se repliaient sur leurs bases d’opérations : les Prussiens vers Liège et Maestricht, les Anglo-Belges vers Ostende et Anvers. La direction de retraite des avant-postes prussiens, de Thuin sur Marchiennes, de Fontaine-Lévêque et de Marchiennes sur Gosselies, de Charleroi et de Gosselies sur Fleurus, était de nature à confirmer cette présomption. Si les Prussiens avaient manœuvré pour se réunir incontinent aux Anglais, ils se seraient retirés vers le nord ; ils avaient battu en retraite vers le nord-est, découvrant la route de Bruxelles. La résolution que, jugeant sur les apparences. Napoléon prêtait à Blücher et à Wellington, lui assurait la victoire. Naturellement, plus les armées alliées s’éloigneraient l’une de l’autre et plus il deviendrait facile de les battre. Autre chose était d’attaquer les Anglais quand les Prussiens se trouvaient à une marche de ceux-ci, et autre chose si Wellington et Blücher étaient séparés par quinze ou vingt lieues.

L’Empereur arrête son plan dans la matinée du 16 juin, vraisemblablement à 6 heures, peut-être plus tôt. Avec Grouchy et l’aile droite, il se portera sur Sombreffe et Gembloux. Si un corps prussien se trouve encore dans l’une ou l’autre de ces

  1. L’Empereur avait quitté le champ de bataille vers huit heures, quand il avait vu l’ennemi en pleine retraite. Rentré à Charleroi, il s’était jeté sur son lit pour quelques instans, en attendant les rapports.