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pas être de briser les rouages placés près de lui, mais de les réunir dans sa main et de les laisser se mouvoir dans leur sphère en leur imprimant la direction. Enfin on s’étonne que le maréchal, qui a si bien compris que le gouverneur devait un peu se dégager des bureaux de Paris et conserver une grande latitude, ne sente pas aussi qu’il faut laisser un peu de cette latitude aux commandans placés sur les points secondaires. Il résulte de tout cela que les affaires administratives traînent, que la hiérarchie souffre, et qu’au total, il y a un peu de désorganisation partout.

Quant à la partie politique, vous avez vu les derniers événemens : le plus récent est la prise de Djidjelly qui amènera, selon toute apparence, l’occupation de Gollo. Quoique, en général, l’occupation, tant qu’elle suivra la lisière du littoral, soit avantageuse, on pense qu’il n’y avait pas urgence à aller à Djidjelly. L’installation nous a coûté quelques efforts : les habitans de cette partie de l’Afrique sont des Kabyles pur sang ; ils ont assez vigoureusement résisté, mais il arrivera ce qui est arrivé à Bougie. Quant à la possibilité d’y faire un port, il faudra d’assez fortes dépenses, quoi qu’on en dise, pour en venir là. Stora se peuple à souhait, dit-on, mais je crains que le bulletin ne passe un peu par la et qu’il ne faille rabattre quelque chose des deux cents maisons en pierre proclamées par les journaux de France. L’avantage réel et incontestable de Stora, sa destination spéciale et indiquée, c’est d’ouvrir une voie prompte jusqu’à Constantine : Stora est l’annexe de Constantine, l’une est la conséquence de l’autre, Si nous évacuons Constantine, Stora n’a plus d’avenir. Au demeurant, les affaires sont en bon pied dans l’Est. La province de Constantine est paisible et, tout en appréciant à leur juste valeur les Cercles arabes, les Caïds du désert, etc., toute cette poésie officielle du Moniteur algérien, il faut reconnaître que, dans cette partie de nos possessions, il y a facilité de tout tenter sans obstacles sérieux. Ce résultat doit être attribué à plusieurs causes : 1° à ce que les indigènes de cette province ont été depuis longtemps en contact avec l’Europe par la fréquentation des anciens comptoirs établis sur ce point ; 2° à la politique modérée qui a présidé à l’installation française dans le pays ; 3° à la prise de Constantine, qui a détruit le principal centre de résistance. Il est vrai que, sous ce dernier rapport, les frais occasionnés par la conservation contre-balancent déjà un peu les avantages qui en sont résultés.