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pour attaquer, de nouvelles instructions de l’Empereur, au moins aurait-il dû se disposer à agir au premier ordre. Ses troupes étaient échelonnées de Frasnes à Thuin sur une ligne de trente-deux kilomètres. Au point du jour, il aurait dû masser à Frasnes les divisions Bachelu, Jérôme Bonaparte et Foy et toute la cavalerie, et appeler à Gosselies le corps de d’Erlon. Ce mouvement pouvait être achevé avant 8 heures du matin, sauf pour la division Alix qui n’aurait rejoint qu’une heure plus tard. Ainsi, dès 8 heures, Ney se serait trouvé en mesure d’attaquer les Quatre-Bras, au premier ordre, avec 19 000 baïonnettes, 3 500 sabres, 64 bouches à feu et une réserve de 20 500 hommes. Mais le maréchal ne prit aucune disposition préparatoire. Il ne pensa même pas à faire serrer le corps de d’Erlon sur le corps de Reille. Il laissa ses divisions éparpillées, ses soldats au bivouac et attendit, inerte, les ordres de l’Empereur.

Vers 6 heures et demie, le maréchal reçut une première lettre de Soult. Ce n’était pas, à la vérité, un ordre de marche, mais c’était un avertissement que ses troupes allaient avoir à marcher. Soult lui annonçait la prochaine arrivée à Gosselies des cuirassiers de Kellermann et lui demandait si le 1er corps avait opéré son mouvement dans cette direction. Il était donc toujours question pour Ney de pousser droit devant lui sur la route de Bruxelles. Si l’Empereur avait voulu rappeler le maréchal à sa gauche, apparemment il ne lui aurait pas envoyé un renfort de huit régimens de grosse cavalerie. Ney, cependant, ne sortit pas de son apathie. Il se contenta d’adresser à Soult les renseignemens demandés ; encore les donna-t-il inexacts. Puis, vers 7 heures, il partit pour Frasnes sans même prescrire à Reille de faire prendre les armes aux troupes. Il se borna à lui dire : « S’il arrive en mon absence des ordres de l’Empereur, vous les exécuterez sur-le-champ et les communiquerez au comte d’Erlon. »

A Frasnes, Ney demeure inactif et insouciant comme à Gosselies. Il ne pense pas à examiner de près les positions de l’ennemi, à pousser vers les Quatre-Bras une reconnaissance offensive qui contraigne l’adversaire à démasquer ses forces. On dirait même qu’il néglige d’interroger ses généraux, ses commandans d’avant-postes, ou qu’il n’écoute point ce qu’on lui rapporte.

Lefebvre-Desnouëttes, Colbert, lui rendent certainement compte que les Néerlandais paraissent avoir reçu des renforts ; que, depuis le matin, ils ont étendu et avancé leur front ; qu’à six heures, leurs