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ils vont reprendre leur place au four, et soufflent, comme les camarades, les bouteilles au bout des cannes. Il y a là, dans ce directeur et ces administrateurs, quelque chose de curieusement simple et primitif, et qui n’est pas sans vous saisir, comme vous saisit aussi la claire silhouette de l’usine, entre la gaîté de la campagne et le petit mont pittoresque du vieil Albi couronné par sa basilique.

Quelle maison commerciale et industrielle allons-nous trouver, maintenant, dans cette maison ouvrière, et quel refuge contre les duretés du patronat les verriers y trouvent-ils eux-mêmes ? Les statuts par lesquels elle est constituée sont déposés chez Me Frézouls, à Albi. « Il est formé, disent-ils, une société anonyme entre les souscripteurs des actions créées par les présentes, conformément à la loi du 24 juillet 1867, modifiée en 1893. » On pense, au premier abord, que les possesseurs de ces actions sont les ouvriers mêmes de la Verrerie ; et l’on croit assez communément, dans le public, à une verrerie coopérative, mais il n’en est rien, et les statuts stipulent expressément, au contraire, que les actionnaires ne sont pas les verriers. Qui sont-ils donc ? Ici, les statuts recourent, en la modifiant, à la forme habituelle des sociétés anonymes, et créent un genre d’actions combinées pour être nominatives, tout en ne pouvant être qu’à des groupes. « Les actions, est-il bien précisé, sont nominatives. Leur propriété s’établit par une inscription sur les registres de la Société ; la transmission s’en opère par une déclaration de transfert et une acceptation, signées l’une et l’autre par le cédant et le cessionnaire. » Et plus loin : « Toute cession d’actions devra être signifiée à la Société avec le nom du cessionnaire et le prix de cession. L’assemblée générale se prononcera sur le transfert de ces actions au prix désigné, soit par la société, à la condition que l’acquisition ait lieu avec les réserves sociales, soit pour le compte d’organisations ouvrières, c’est-à-dire d’une société coopérative, si le cédant est une société coopérative, et d’un syndicat ouvrier, si le cédant est un syndicat ouvrier. » Enfin, plus loin encore : « Tout délégué d’une société ou d’un syndicat, qui sera élu administrateur, devra faire transférer à son nom l’action nécessaire, la société ou le syndicat déléguant se réservant un second privilège sur le titre cédé ad hoc. » En somme, il résulte de ces clauses qu’on ne peut être actionnaire qu’agréé par la société ; que le titulaire d’une ou de plusieurs actions n’est jamais que le prête-nom d’une société coopérative ou d’un syndicat ouvrier ; et que les seuls actionnaires,