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qui représentent ce que l’on appelle en métallurgie la trinité des minerais exploitables : les peroxydes, les oxydules, les carbonates. En dehors de ces minerais qui, comme l’ont remarqué Pline et plus tard Buffon, forment à la surface du globe de véritables montagnes, tandis que les autres métaux ne se trouvent que par filons et petits amas, il n’existe presque pas de roches où le fer ne figure tout au moins comme élément accessoire. Un trait saisissable le signale au premier coup d’œil : c’est la couleur. Au simple aspect de la roche, on peut reconnaître ou plutôt soupçonner la présence du fer et de ses combinaisons. Toutes les terres ocreuses, rouillées, rougeâtres sont ferrugineuses ; tout ce qui, parmi les minéraux, est teinté du brun foncé au rouge clair a de grandes chances de contenir du fer. Cette particularité de coloration est d’ailleurs exprimée dans les noms vulgaires de beaucoup des composés de ce métal : limonite, rouge d’Angleterre, hématite, safran de Mars, etc.

A la suite des expériences de Lémery, de Geoffroy et de Menghini, au siècle dernier, on crut que la même règle s’appliquait aux êtres vivans. Toutes les parties qui, chez la plante, brillent de l’éclat de la couleur, depuis la verdure des feuillages jusqu’aux plus délicates nuances de la fleur ou du fruit, auraient dû cette richesse de tons aux combinaisons du fer. — Le même principe s’étendit bientôt aux animaux ; depuis le pourpre du sang, le jaune ou le vert de la bile, jusqu’aux teintes les plus variées du pelage ou du plumage, toutes les matières colorantes auraient tiré leur origine du fer. C’est l’idée que le vénérable Haüy, le « père de la minéralogie », exprimait dans le style des naturalistes de son temps : « Lorsque la nature prend le pinceau, c’est toujours le fer qui garnit sa palette. » Il s’en faut de beaucoup que cette assertion soit exacte. On s’aperçut d’abord que beaucoup de substances colorantes des fleurs et des fruits échappaient à la règle, celles par exemple qui teignent les cerises, les groseilles, le safran, l’orcanette, la garance : mais il a fallu arriver jusqu’aux travaux de M. A. Gautier, en 1873, pour savoir que le fer, qui intervient à la vérité dans la production de la chlorophylle des feuilles, n’entrait pourtant pas dans la constitution intime de leur matière verte. On a reconnu que le métal, d’ailleurs présent dans la bile des vertébrés, faisait précisément défaut dans les matières jaune ou verte auxquelles elle doit sa coloration ; mais là encore, c’est un composé ferrugineux.