les parens et les défenseurs de l’ex-capitaine Dreyfus auraient été en droit de demander la révision. C’est évidemment sur cela qu’ils comptaient ; mais on sait comment leur illusion a été dissipée, et il faut bien avouer qu’ils ont fait médiocre figure devant le conseil de guerre. Qu’avaient-ils, en effet, entre les mains ? Ils se plaignaient que Dreyfus eût été condamné parce que son écriture ressemblait à celle du bordereau, et ils demandaient que le commandant Esterhazy le fût. pour le même motif. C’était marcher à un dénouement presque infaillible. Les experts qui n’avaient pas été unanimes à reconnaître dans le bordereau l’écriture de Dreyfus, l’ont été à n’y pas reconnaître celle du commandant Esterhazy. La base même de l’accusation s’écroulait. A l’unanimité, les membres du conseil de guerre ont estimé que la preuve annoncée contre le commandant Esterhazy n’avait pas été faite : ils ne pouvaient donc que l’acquitter.
On se rappelle qu’au moment où, à la suite de la dénonciation de M. Mathieu Dreyfus, une instruction judiciaire a été ouverte, tout le monde a été d’accord pour reconnaître que toute polémique serait désormais déplacée et inconvenante. Un silence au moins relatif s’est fait dans la presse : on attendait. Il y avait dans cette attitude un engagement tacite à accepter le résultat de l’instruction quel qu’il fût, ou le jugement qui interviendrait par la suite. Le résultat de l’instruction a été négatif contre le commandant Esterhazy et, si nous avions eu affaire à la justice civile, l’affaire en serait restée là ; mais la justice militaire agit avec plus de liberté, et le général Saussier a jugé préférable de renvoyer quand même M. Esterhazy devant un conseil de guerre. Les défenseurs de Dreyfus ne peuvent donc pas dire qu’on leur a refusé la juridiction qu’ils avaient eux-mêmes invoquée : ils l’ont, au contraire, épuisée jusqu’au bout, et dès lors ils ont perdu le droit de se plaindre si elle leur donnait tort. Ce droit qu’ils n’avaient plus, ils en ont pourtant usé et abusé ! En dehors de toute autre considération, il eût été sage de leur part de nous donner à tous le temps de respirer, de nous calmer après des émotions aussi fortes, et plus que personne peut-être ils auraient eu besoin de quelques semaines de recueillement. Tel n’a pas été leur avis. Soit ! Puisqu’ils n’avaient pas réussi à substituer la culpabilité du commandant Esterhazy à celle de Dreyfus, il leur restait encore une tentative à faire. Au milieu des révélations, des contradictions sans nombre qui se sont succédé depuis quelques mois, peut-être ne leur aurait-il pas été impossible de rencontrer « le fait nouveau » prévu par la loi de 1895, ou quelque chose qui y ressemblât. Au lieu