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assez de bestiaux, de chevaux, etc., pour suffire à tous nos besoins ? Non, en supposant même qu’ils soient tous bien réellement soumis et qu’ils commercent avec nous. A plus forte raison, non, dans le cas d’une guerre générale, auquel cas, je l’ai déjà dit, ils nous abandonneraient bien certainement presque tous.

Entre la conquête et l’occupation réelle, la soumission des Arabes n’a qu’une transition indispensable. Une population chrétienne agricole peut seule nous permettre d’espérer qu’il nous sera possible, un jour, de nous maintenir en Algérie, sans être pour la France une charge telle qu’elle ne pourrait peut-être la supporter, en cas de guerre européenne.

Mais cette population européenne… A-t-on fait jusqu’ici ce qu’il fallait pour l’encourager à venir se fixer parmi nous ? Non, mille fois non. Les longs retards que les colons riches ou pauvres rencontrent à Paris et à Alger les ont souvent dégoûtés et ont discrédité notre colonisation. En un mot, on n’a rien fait ou presque rien fait encore pour peupler l’Algérie, et les cent mille colons que nous avons aujourd’hui sont venus pour la plupart comme cantiniers à la suite de nos régimens, j’oserais presque dire, malgré tout ce qu’on a pu faire pour les en empêcher, et non point comme colons dans la véritable acception du mot, car il en est bien peu encore qui se livrent à la culture.

Dans les discussions qui vont avoir lieu, bien des systèmes seront mis en présence. Le plus efficace, selon moi et en conséquence de tout ce que je viens de dire, sera celui-ci que je vais résumer en peu de mots.

Tout faire pour attirer le plus promptement possible en Algérie le plus grand nombre de colons possible, les encourager eu leur donnant la terre, aussitôt et au fur et à mesure qu’ils nous arriveront. Leur fournir, — attendu que pendant la première année ils ne peuvent rien récolter et qu’ils sont obligés de se construire des abris, — une sorte de première mise, soit en numéraire, soit en vivres, soit en matériaux, dont la quotité et le mode de versement seraient fixés par une ordonnance royale. Quelque chose d’analogue, mais avec des inconvéniens qu’il faudrait éviter, a déjà été employé dans quelques villages civils des environs d’Alger. Je voudrais que ce fût un système adopté en principe et mis partout en pratique et pour lequel les Chambres voteraient annuellement des fonds.

Je vous demande pardon, monsieur le lieutenant général, de