l’ancien valet de chambre, Thélin, et le docteur Conneau. Thélin, en général appelé Charles, habitait, au-dessus de l’appartement de l’Empereur, un entresol, d’où il descendait par un escalier dérobé. Conneau, médecin en titre, était surtout un ami et un garde-malade. Sa principale occupation était de collectionner de belles Bibles dans tous les idiomes ; il ne se mêlait de politique que lorsque l’Empereur lui donnait une mission confidentielle ; en voyage, il lui lisait ses dépêches. Charles et Conneau voyaient l’Empereur tous les matins à son lever : ils étaient chargés de ses innombrables charités.
L’huissier du cabinet, Félix, avait aussi son importance. De famille belge, il avait été séminariste, puis négociant à Amsterdam, cuisinier, courrier de la reine Hortense ; il parlait anglais, flamand, hollandais, pas mal l’allemand. Il avait la langue dénouée et la loquacité souvent fort critique.
Les ministres se réunissaient deux fois par semaine, à neuf heures du matin. Ils ne discutaient que les affaires sur lesquelles l’Empereur désirait être éclairé par une discussion contradictoire, surtout celles de l’administration, des finances, de la législation. L’Empereur réglait lui-même l’ordre du jour, et il n’aimait pas qu’on s’en écartât. Dans ces discussions régnait la plus entière liberté. Un ministre nouveau s’étant emporté en une vive sortie, l’Empereur craignit qu’il n’en eût regret ; il lui envoya Pietri pour l’engager à persévérer dans son véridique langage : « Cela lui plaisait beaucoup, c’était ce qu’il désirait. » Il ne se montrait mécontent que des personnalités. Il écoutait plus qu’il ne parlait, puis il congédiait le Conseil et décidait tout seul. Avant et après la réunion, chaque ministre demandait les signatures ; les questions d’importance se débattaient avec le ministre compétent, dans le cabinet de l’Empereur, sauf les cas d’urgence avant le Conseil, le plus souvent à la fin de la journée.
Si, après avoir assisté aux conseils de l’Elysée, vous aviez été admis à ceux des Tuileries, vous auriez trouvé le même prince, poli, réservé, modeste, bienveillant, ne disant ni de bien de soi, ni de mal d’autrui, sans aucun empressement à plaire, et cependant mettant très vite en confiance, en sympathie affectueuse et à l’aise. Le succès et la grandeur ne l’ont pas infatué, il n’a ni morgue, ni hauteur. En un point seulement il est autre : le masque de glace a fondu, il ne lâche pas la bride à ses sentimens intérieurs, mais il ne les refoule pas ; il les domine, ne les