il répondait : « Si on ne veut pas s’exposer à être battu, il ne faut jamais livrer bataille. »
Son audace, comme celle des vaillans, était d’autant plus tranquille et ferme que les périls grossissaient : il la considérait alors comme étant la véritable prudence. Seulement sans réflexion l’audace n’est qu’une témérité, comme sans persistance elle n’est qu’une velléité. Avant de s’engager il pesait lentement, mûrement, le pour et le contre, embrassait les divers aspects de la situation, parfois passait, pour un instant, avant de se fixer, d’un parti à l’autre. C’est ce que les historiens « qui n’ont jamais mis le nez aux conseils » ont appelé ses hésitations.
Son parti pris, il était imperturbable : « Uomo di tenacissimi propositi », a dit Cavour : — « Quand il a pris une résolution, disait le maréchal Castellane, rien ne l’en détourne. » — « Vous savez, écrivait Mérimée à Mme de Montijo, que vous avez un gendre qu’on ne fait point parler comme on veut. » — « Il est supérieur, écrivait La Marmora, par la capacité, la pénétration et la fermeté. » — « Le trait principal de sa nature, observait Malmesbury, est une obstination qui, soutenue par un caractère flegmatique, résiste à toutes les difficultés. »
Mais personne n’est seul dans ce monde. L’homme le plus décidé se trouve tout à coup aux prises soit avec des forces connues dont il a mal calculé la puissance, soit avec des forces imprévues qu’il ne soupçonnait pas. Alors persister serait de la folie. Lui, reculait sans craindre d’être accusé de versatilité ; il reculait comme la machine qui perce les rocs, pour reprendre l’impulsion et revenir plus vigoureusement en avant au moment propice. Il différait sans renoncer. C’est ce qu’on a appelé ses défaillances.
Pas plus que qui que ce soit, il n’a pu mener à bout tout ce que sa hardiesse tenace aurait voulu, ni surtout comme elle l’aurait voulu ; mais, suivi et d’accord avec soi-même, il n’a pas perdu de vue un instant, au milieu des atermoiemens inévitables, le but final.
Le bon sens et la mesure le distinguent autant que l’audace. La science de la vie, selon lui, était celle de la limite. Ce qui était excessif lui inspirait une aversion presque physique. Pour le convaincre, il fallait lui parler posément, sans brusquerie et surtout sans exagération. Persigny s’est discrédité par la forme emportée de ses conseils autant que par ses fanfaronnades d’influence. Les