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protectionnisme agraire n’a pas tardé à suivre le protectionnisme industriel. Toutefois les traités de commerce de 1892 ont corrigé ce que le système avait d’excessif et permis à l’industrie de s’organiser en vue d’une période de stabilité et de certitude.

Il n’est pas vrai que dans cet état nouveau les classes moyennes disparaissent. Elles se renouvellent sans cesse, en Allemagne comme ailleurs, par une poussée d’en bas : la statistique de l’impôt sur le revenu le prouve, en montrant que le nombre des petites fortunes s’accroît. En même temps, la longévité augmente et les listes de recrutement indiquent, pour les populations urbaines de grands centres industriels, — par exemple en Westphalie et aux bords du Rhin, — un contingent supérieur à la moyenne. Dans le débat assez violent qui s’est engagé à ce sujet, les agrariens avaient soutenu que les districts ruraux fournissent plus de jeunes soldats que les districts industriels. Or les dernières statistiques prouvent que, sur 760 000 recrues envoyées à l’armée et à la marine de 1893 à 1896, 512 000 venaient de régions où l’industrie et le commerce prédominent. La moyenne du contingent levé sur 1 000 kilomètres carrés est de 468 jeunes gens : il n’est que deux contrées agricoles qui accusent ce chiffre, et ce sont des contrées de propriété divisée et de petite culture. Là où se trouvent les majorais et les grands domaines, la moyenne des recrues tombe à 289 par 1 000 kilomètres carrés. L’industrie moderne, avec ses installations et son outillage perfectionné, n’altère pas, sauf des exceptions encore trop nombreuses, il est vrai, les qualités physiques de la race.

Parallèlement aux progrès de l’industrie se constatent d’ailleurs ceux de l’agriculture : au 14 juillet 1895 , le nombre des exploitations agricoles s’élevait à plus de 5 millions et demi, avec une étendue moyenne d’environ 8 hectares. Le nombre des exploitations au-dessous de 2 hectares avait augmenté depuis 1882 de 174 000 (3 235 000 au lieu de 3 061 000). Les exploitations au-dessous de 400 hectares couvrent les sept dixièmes du territoire. D’une façon générale, la petite propriété augmente.

Le développement industriel de l’Allemagne a entraîné, comme première conséquence, une amélioration considérable de la situation de l’ouvrier, due non pas aux mesures législatives et gouvernementales, comme les partisans de l’intervention de l’État voudraient nous le faire croire, mais au cours naturel des choses, à l’entente de leurs véritables intérêts par les entrepreneurs,