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comme une description géographique et comme une histoire ancienne de l’île d’Eubée. » Ce travail avait été composé à Athènes, puis expédié au ministère, conformément à l’arrêté du 26 janvier. Le jugement qu’en porta la commission est de 1852.

Ce fut ce qu’on peut appeler « le premier envoi officiel d’Athènes », comme on dit « les envois de Rome » en parlant des travaux qui viennent chaque année de la Villa Médicis. La commission en loua hautement le contenu. M. J. Girard n’avait pas fait de fouilles : il n’en fut point blâmé. Il y a deux sortes d’archéologie : celle qui rencontre et commente des monumens déjà trouvés, et celle qui fouille pour en découvrir et en expliquer de nouveaux. Dans les neuf rapports publics qui vont de 1850 à 1858, on recommande aux explorateurs de tenir compte des documens et monumens archéologiques restés visibles ou rendus à la lumière ; on ne leur impose pas, même à demi-mot, l’obligation d’en découvrir. La raison en est facile à saisir : pour fouiller, il faut de l’argent. Or, même en 1851 et 1852, lorsque Beulé exécuta les travaux qui, après quarante jours de tâtonnemens et d’efforts, aboutirent enfin à la mise au jour de l’escalier des Propylées, il fit cette opération à ses frais et dut, pour payer ses ouvriers, emprunter une somme à des amis. Je tiens le fait de sa bouche même, et d’ailleurs, il l’a affirmé dans son principal ouvrage[1]. Si notre éminent ministre à Athènes, M. Forth-Rouen lui assura le remboursement futur par la France de ces frais, il n’en est que plus évident que le traitement ordinaire des membres de l’Ecole ne leur permettait pas alors de telles opérations. Il eût été injuste de leur reprocher de ne pas entreprendre ce qui était au-dessus de leurs moyens. Il convenait donc de reconnaître et de proclamer la valeur considérable du mémoire de M. J. Girard, qui avait décrit tout ce qu’il avait vu. Pour le fond historique et géographique, la question y est épuisée. Pour la forme, le style en est d’une sobriété élégante, d’une précision lumineuse qui n’exclut nullement la couleur pittoresque[2]. Bref,

  1. L’Acropole d’Athènes, tome II, page 314 : « J’essaierai d’expliquer les deux bas-reliefs que reproduit la planche 4. Ils sont complets, ils ont du charme, et le sujet n’est ni sans intérêt, ni sans nouveauté. Malheureusement, j’ai dû les laissera Athènes. En commençant les fouilles à mes frais et en mon nom, j’avais pris l’engagement de donner à la Grèce les antiquités que je découvrirais. Quand je continuai les travaux au nom et aux frais du gouvernement français, il ne me convenait pas de faire d’autres conditions. » Mais c’est la partie principale du travail, la découverte de l’escalier et de l’entrée des Propylées, que Beulé avait faite à ses frais.
  2. Voir notamment la page 51.