Tandis qu’ailleurs, en Algérie par exemple, le système change brusquement et l’on passe sans transition de la zone fertile du littoral à la zone aride, ici le relief plus inégal du sol détermine, au cœur même du pays, des points de chute d’eau presque aussi abondans que sur la côte ; de sorte qu’après avoir traversé une vallée du Péloponèse tapissée de lentisques et de lauriers-roses, on se trouve tout à coup transporté dans les Cévennes ou dans la Limagne. C’est le cas du plateau de Maktar, dont le climat pluvieux alimente toutes les sources du centre.
Il est humiliant de penser que cette découverte est, pour nous, plus récente que celle du Fouta-Djallon. Ce qui peut nous consoler, c’est que Salluste ne l’avait pas faite.
Nous étions naturellement beaucoup mieux renseignés sur les avantages maritimes du pays, car ils sautent aux yeux. Ils étaient déjà connus du temps de Charles-Quint. Don Juan d’Autriche, le vainqueur de Lépante, en fut tellement frappé qu’il demanda, pour récompense de ses services, la vice-royauté de Tunis à son frère Philippe II, qui s’empressa de la lui refuser. La rupture du système de l’Atlas se reproduit exactement sur la côte qui, au lieu d’opposer au navigateur un rempart continu et presque sans abri, se découpe en golfes profonds, comme à Bizerte et à Carthage ; en vastes lagunes, comme à Tunis, puis au-delà du cap Bon s’infléchit brusquement vers le sud, offrant quelques mouillages naturels excellens, tels que celui de Sfax, ou des rades susceptibles d’être aménagées de main d’homme telles que celle de Sousse et même celle de Mehdia, dont plusieurs dynasties arabes firent leur capitale.
Le pays présente ainsi un vaste front de mer très supérieur à l’importance de son territoire, et on peut dire que ce phénomène est absolument unique en Afrique. Il donne à la Régence un avantage marqué sur l’Egypte elle-même, qui n’a qu’un seul débouché sur la mer, et une grande ressemblance avec le rivage d’Europe. Il existe, du reste, une preuve palpable de l’influence bienfaisante des côtes : tandis qu’à l’intérieur du pays, des causes historiques trop connues amenaient la décadence agricole et le dépeuplement, à Sousse et à Sfax, les hommes sont nombreux et la terre est riche.
Voilà donc une contrée vaste, bien ouverte, souffrant parfois de la sécheresse, dotée d’un climat inégal, mais sain et tempéré, fertile en ressources, apte à réparer, en quelques heures, les maux