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que pour l’agriculture. La croyance que le fer donne aussi de la force au corps n’eut sans doute pas d’autre fondement.

Plus tard, une méthode plus raisonnable chercha à fonder l’usage des substances sur leurs qualités plus ou moins évidentes. Or, le caractère le plus apparent des composés du fer, c’est leur propriété astringente, constrictive, resserrante qui se manifeste non seulement lorsqu’on les applique sur la langue et se traduit par la saveur âpre que l’on connaît, mais se montre sur tous les tissus. De là dérive, depuis le temps même de Dioscoride, c’est-à-dire depuis le premier siècle de notre ère, l’usage de ces médicamens pour arrêter les suintemens, les hémorragies, les flux et les écoulemens, en resserrant les fibres des tissus et les débarrassant de la lymphe en excès. Ce rôle de topique local est encore utilisé de nos jours.

Mais l’action du fer n’est pas seulement locale ; elle est générale ; elle se l’ail sentir partout ; elle s’étend à tout l’organisme dans lequel on l’introduit. La conception de cette action générale était d’ailleurs obscure dans l’esprit des alchimistes et des médecins qui ont suivi Paracelse. — C’est, dit l’un d’eux, « un puissant apéritif et désopilatif. Il sert à la jaunisse, aux pâles couleurs des filles, à désopiler la rate et le mésentère. » La maladie épaissit les humeurs, elle obstrue les pores, les canaux des organes digestifs, biliaires et urinaires ; le médicament martial en tant qu’apéritif fait l’inverse ; il « incise », atténue les humeurs trop épaisses, il ouvre, il désopile les voies encombrées, et les rend libres. On ne saurait dire aujourd’hui qu’il y ait rien de fondé dans ces singulières explications.

Cependant, avec le temps, les médecins n’en finirent pas moins par apercevoir ce qu’il y a de véritablement significatif dans les propriétés thérapeutiques du fer, et ils l’exprimèrent en disant que le fer était la « panacée de la cachexie ». Il faut entendre ce mot. La chlorose et l’anémie étaient en effet des cachexies pour les anciens ; et ces affections sont celles dont le fer constitue, au regard de la médecine moderne, le remède héroïque et spécifique. Nous voici maintenant sur un terrain plus solide, celui de l’observation. Sans savoir encore la cause intime de ces maladies et leur lésion significative, qui consiste primitivement en une altération et un appauvrissement du sang, sans connaître même le tableau complet des symptômes qui fait de la chlorose une maladie caractérisée et une, — puisque c’est seulement en 1753 que