ce qu’il coûtait de sacrifices, j’en apprends le chiffre par Saint-Pétersbourg. J’admire le courage des troupes, mais je vous fais observer qu’une bataille rangée qui aurait décidé du sort de la Crimée ne vous aurait pas coûté plus de monde. Je persiste donc dans l’ordre que je vous ai fait donner par le ministre de la Guerre, de faire tous vos efforts pour entrer résolument en campagne. »
Pélissier avait déjà, le 9, répondu vertement au télégramme l’engageant à faire de grandes choses : « Je ne puis concéder que depuis mon avènement au poste que j’occupe, nous nous soyons bornés à de petites choses. » Sa réponse à l’ordre du 14 juin n’est pas moins décidée : « L’exécution radicale de vos ordres du 14 est impossible, c’est me placer entre l’indiscipline et la déconsidération. Votre Majesté ne le voudra pas. Jamais je n’ai connu l’une ; je ne voudrai pas subir l’autre… Que Votre Majesté me dégage des limites étroites qu’elle m’assigne ou qu’elle me permette de résigner un commandement impossible à exercer de concert avec nos loyaux alliés, à l’extrémité, quelquefois paralysante, d’un fil électrique. » Et suivant sa coutume de marcher sans s’inquiéter de ce qu’on lui ordonne ou lui conseille de Paris, le 18, toujours en parfait accord avec Raglan, il attaque le Grand-Redan, Malakoff et les batteries dépendantes. Malheureusement il commet plusieurs fautes. Les tranchées n’étant pas assez rapprochées de la place, il eût fallu cheminer encore pendant quelques semaines par la sape et par voie d’approches successives. L’attaque était donc prématurée : elle ne fut ni bien préparée, ni bien exécutée. Soit que Pélissier voulût apaiser l’Empereur en associant sa garde au succès décisif, soit qu’il eût pris ombrage de l’ascendant grandissant de Bosquet, trente-six heures avant, il avait donné à Regnault de Saint-Jean-d’Angély, qui ne connaissait ni le terrain ni les tranchées, la place de Bosquet et renvoyé celui-ci, auquel le fouillis des cheminemens était familier, dans la plaine de la Tchernaïa, à la tête du corps d’observation. Le jour même de l’action, avec une insouciance incompréhensible, lui-même se fit attendre une heure au lieu d’où il devait donner le signal du combat, ce qui eut pour conséquence qu’on s’engagea avec le plus grand décousu ; le général Mayran partant trop tôt, Brunet trop tard ; nos soldats, lancés de trop loin, ne parvinrent à aborder les Russes nulle part : ils vinrent se briser contre leur mitraille et leurs balles. Les pertes furent considérables. Trois généraux