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l’absence de mouvement, l’aspect presque toujours désert de villes qui sont pourtant des centres commerciaux assez actifs.

Ce sont aussi des oasis intellectuelles. Bien qu’on ait fait dans ces derniers temps de louables efforts pour développer l’instruction dans les campagnes sibériennes, les difficultés auxquelles on se heurte sont si grandes qu’ils n’ont encore porté que peu de fruits. Dans les villes, la tâche était moins lourde ; on voit partout des établissemens d’instruction primaire et secondaire, à la fondation et à l’entretien desquels les particuliers ont souvent, comme en Russie d’Europe, contribué pour des sommes importantes : dans une petite ville de trois mille âmes, l’une des plus riches de la Sibérie, il est vrai, à cause des opulens négocians en thés qui y demeurent, Troïtzkosavsk, près de Kiakhta, il y a une école réale (école d’enseignement spécial) entretenue par la guilde des marchands et une école primaire gratuite qui n’a été bâtie et ne vit que grâce à des souscriptions volontaires. Enfin il se trouve maintenant en Sibérie une Université, récemment fondée à Tomsk ; ses vastes bâtimens blancs à trois étages n’abritent encore qu’une Faculté de médecine, qui compte cinq cents étudians ; on en a rendu avec raison l’accès plus facile qu’en Russie d’Europe, et l’on compte ouvrir bientôt une Faculté de droit ; ce sera le corollaire de la mise en vigueur, en Sibérie, des grandes réformes judiciaires d’Alexandre II, qui vient d’avoir lieu l’été dernier. La place est toute prête pour d’autres Facultés encore, et la bibliothèque comprend déjà 200 000 volumes, provenant en grande partie de dons particuliers ; certains exemplaires d’éditions précieuses anglaises ou françaises proviennent même de collections particulières dispersées lors de la Révolution. Des maisons ont été bâties dans le parc de l’Université, qui se compose simplement d’allées percées dans la forêt de bouleaux, pour offrir des logemens à prix réduits aux étudians pauvres. Outre l’Université, un autre grand établissement d’enseignement, un Institut technologique, va être ouvert à Tomsk et se construisait l’été dernier. Cette ville, située un peu trop au nord et desservie seulement par un embranchement du chemin de fer, sera peut-être un peu délaissée à l’avenir par le commerce, mais paraît destinée à devenir le centre intellectuel de toute la Sibérie.

Les distractions même ne sont pas aussi rares qu’on pourrait le croire dans ces villes lointaines : elles ont toutes un théâtre. Celui de Tomsk a été construit par un riche et généreux négociant,