manière dont le légalisme féroce, que lui reprocha un jour J.-J. Weiss, sera en effet un des traits dominans.
A partir du Demi-Monde, non seulement nous ne trouvons plus ombre de romantisme dans la conception morale de la vie, mais les procédés littéraires-mêmes de l’école vont être abandonnés radicalement. C’est fini des personnages aux passions démesurées que l’on sent mal à l’aise dans l’habit noir ou la redingote modernes ; c’est fini des aventures exceptionnelles closes par des coups de théâtre tragiques ; fini du « lyrisme de l’imagination »[1] ; fini même de certaines préoccupations de style qui, malgré les habitudes de production hâtive des premières années, rattachaient encore parfois l’écrivain à ses prédécesseurs. Plus tard, avec les mélodrames symboliques, nous reviendrons vers quelque chose d’approchant ; jusque-là du moins, et pendant dix ans environ, nous marchons en une tout autre voie.
Le plus souvent, lorsque l’on étudie l’œuvre d’Alexandre Dumas fils, il semble que l’on considère chaque préface comme directement rattachée à la pièce qu’elle précède, et l’on ne paraît pas prendre garde que la plupart de ces commentaires ont été conçus et rédigés longtemps après la comédie ou le drame auxquels ils empruntent leur titre, et parfois dans un esprit peut-être très différent de celui qui présida à la création du drame ou de la comédie même. L’hypothèse est pourtant infiniment vraisemblable selon laquelle l’idée de ces curieuses gloses philosophico-sociales ne serait jamais venue au glossateur, si, vers 1864 ou 1865, sa pensée n’avait subi une nouvelle et troisième transformation, qui nous vaudra une nouvelle et troisième « manière », aussi distincte de la seconde que celle-ci l’est de la première. Comme preuves à l’appui, nous nous contenterons, pour le moment, de noter la gêne incontestable qu’éprouve fréquemment le dramaturge à s’acquitter après coup de cette besogne qu’il n’avait point prévue, et les discordances singulières qui résultent de son embarras. L’essai d’esthétique théâtrale, imprimé en tête du Père prodigue, ne ferait ni mieux ni moins bien à n’importe quelle autre place, et ne se rattache par aucun lien appréciable à l’histoire du comte de la Rivonnière, de son (ils et de sa bru ; les souvenirs de jeunesse, qui précèdent la Question d’Argent, ne présentent, pas le moindre rapport avec les friponneries
- ↑ Georges Pellissier, Nouveaux essais de Littérature contemporaine. Alexandre Dumas fils.