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de Simerose, la femme incomprise, M. de Montègre, l’homme fatal, et tous les autres, — on est malheureusement contraint de reconnaître, ou bien qu’ils procèdent d’une inspiration essentiellement romanesque, ou bien qu’ils ont été coulés dans le moule le plus étroit des conventions littéraires. Ce qui les relève, ce par quoi ils font illusion et se placent tout de même au-dessus des héros de Scribe, d’Emile Augier ou de M. Victorien Sardou, c’est par les « mots d’auteur », c’est par l’intervention, à peine dissimulée et déjà presque constante de l’écrivain, dans leurs actes et leurs paroles. Autrement dit, ils ne vivent vraiment que de la vie propre de leur créateur, et ils ne valent que par des qualités qui constituent l’absolue négation de la peinture des mœurs et de l’étude des caractères. — Bientôt, cette intervention indirecte d’Alexandre Dumas fils dans son œuvre ne va plus lui suffire ; son absorbante personnalité ne se trouvera à l’aise qu’après avoir réduit à l’état d’abstractions dociles ceux qu’il essayait encore naguère d’animer d’un certain souffle individuel ; et quand il arrivera enfin à l’apogée de son talent, quand il aura découvert sa troisième manière, il n’y aura plus que lui, et lui seul, dans ses pièces, étalant audacieusement sur la scène devant un auditoire parfois réfractaire, mais jamais indifférent, ses dégoûts, ses colères, ses enthousiasmes, ses idées et ses aspirations.


MAURICE SPRONCK.