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direct au centre, pas plus qu’au nord de la Chine, nous assistons sans la moindre inquiétude au progrès des autres, qu’il s’agisse de l’Angleterre ou de la Russie, de l’Allemagne ou du Japon. Nous voudrions seulement que l’opinion anglaise, plus satisfaite et dès lors moins ombrageuse, revînt au calme et au sang-froid qui la caractérisent d’ordinaire et qui lui conviennent si bien. En sommes-nous là ? Non ; pas encore. Et la vérité nous oblige à dire avec tristesse que l’opinion anglaise n’en prend même pas le chemin.


En Autriche, le ministère Gautsch a donné sa démission et l’empereur a chargé immédiatement le comte François Thun-Hohenstein d’en former un nouveau. La nouvelle n’étonnera personne : le jour même de sa formation, on a annoncé que le ministère Gautsch ne pouvait être qu’une combinaison provisoire. Il était composé de simples fonctionnaires ; le baron Gautsch lui-même n’était pas autre chose, et dans les circonstances actuelles, il fallait évidemment pour diriger les affaires un homme doué d’une autorité plus haute. Le ministère Gautsch ne pouvait servir qu’à préparer une transition. Mais dans quel sens ? On vient du comte Badeni, qui avait du moins une politique très tranchée ; le baron Gautsch a conduit au comte Thun ; où va le comte Thun ?

Le baron Gautsch est tombé le jour même où il a voulu faire quelque chose. Rien n’était plus naturel, puisqu’il était là pour ne rien faire et qu’il ne pouvait rien faire. Il a essayé, néanmoins, de résoudre cette inextricable question des langues contre laquelle le comte Badeni était venu se briser. Celui-ci, on s’en souvient, avait voulu imposer à tous les fonctionnaires l’obligation de savoir l’allemand et le tchèque, prétention contre laquelle les Allemands ont protesté avec une énergie qui n’a pas tardé à dégénérer en violence. Les scènes qui se sont produites au Reichsrath de Vienne resteront parmi les plus tumultueuses qu’on ait jamais vues dans un parlement. Bientôt l’émeute a commencé à gronder dans la rue, et l’Empereur a sacrifié son ministre. Le parti allemand, placé en face des ordonnances du comte Badeni, laissait entendre à ce moment qu’il se contenterait d’une solution transactionnelle : l’allemand pourrait être seul obligatoire dans certaines parties de la Bohème et le tchèque dans d’autres, tandis que les deux langues le seraient dans une troisième région. Ces différences correspondaient, bien entendu, à celles qui existaient dans la population elle-même, tantôt en grande majorité allemande ou tchèque, et tantôt mixte. Au milieu de la lutte engagée pour se débarrasser du comte