avaient été communiquées, avant leur publication sans qu’il les eût désapprouvées. A-t-il changé d’avis ? En changera-t-il encore ? Et lequel a-t-il aujourd’hui ? Le ministre sans portefeuille pour la Galicie, le chevalier Adam de Jedrzejowicz, docteur en droit, administrateur, grand propriétaire, s’occupe surtout de sociétés agricoles et de crédit foncier : il est vice-président du club polonais. Le ministre des finances, le docteur Joseph Kaizl, est peut-être celui de tous dont le nom a le sens politique le mieux défini. Il est, en effet, avec MM. Kramarcz et Vaschaty, un des trois chefs des Jeunes Tchèques réalistes ; mais « réaliste » en Bohême veut dire à peu près la même chose qu’opportuniste en France, ou que possibiliste ailleurs. Le docteur Kaizl s’inspirera vraisemblablement des circonstances. C’est d’ailleurs un homme distingué, professeur à l’Université tchèque de Prague, et désigné depuis assez longtemps pour un portefeuille, quoiqu’il n’ait pas dépassé de beaucoup la quarantaine. On le voit, le caractère d’aucun des principaux collègues du comte Thun, pas plus que le sien propre, ne permet de prédire avec certitude ce que sera son gouvernement. Il faut l’attendre à l’œuvre même. Mais c’est déjà de sa part, après les déceptions du passé, une preuve de courage que d’avoir accepté le pouvoir dans des conditions aussi difficiles, peut-être aussi graves. Il s’est entouré de conseillers éclairés, pris dans des groupes de la Chambre assez divers et assez nombreux pour constituer une majorité, si tous ces groupes restent fidèles, et si on parvient à les satisfaire les uns et les autres pendant longtemps. La solution à donner à la question des langues reste à peu près introuvable. On en a essayé deux : la première a mis hors de combat le comte Badeni après une héroïque défense ; la seconde a tué du coup le baron Gautsch, qui n’a même pas tenté la lutte et a passé la main à un autre. Le maintien du statu quo paraît impossible. Ni les Allemands ni les Tchèques ne veulent céder. On en est là.
Encore ne parlons-nous pour l’instant que d’une partie de la tâche qui incombe au comte Thun, et ce n’est peut-être pas la plus lourde. Quelque grandes que soient les difficultés en Cisleithanie, il ne faut pas oublier celles qui existent entre elle et la Transleithanie, entre l’Autriche et la Hongrie. Elles sont restées pendantes au moment de la chute du comte Badeni, et rien, depuis lors, n’est venu en diminuer l’intensité. Le dualisme austro-hongrois n’est pas menacé seulement du dehors par l’assaut que lui livre la Bohême, en vue d’y entrer elle-même et de s’y faire une place ; il l’est encore au dedans par le conflit qui s’est élevé entre Vienne et Pest, et qui est resté aussi aigu qu’au premier jour. On a pu en reculer la crise pendant quelques