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trouver encore le moyen d’utiliser l’action fécondante des crues du Rhône.

Il est évident qu’il n’y aurait pas de culture régulière possible, si les terres devaient être exposées à être submergées par toutes les crues du Rhône. Mais entre l’absolue liberté du fleuve et son endiguement continu, il pouvait y avoir un moyen terme. Tout en protégeant les récoltes sur pied, on aurait pu aménager les terrains de telle façon qu’il fût possible de dessaler et de colmater les terres basses ou incultes, en y introduisant les eaux du Rhône, lorsqu’elles sont chargées de limon. L’assolement biennal qui a été jusqu’à présent la règle dans les cultures de la région se serait très bien prêté à cette pratique. On aurait ainsi obtenu des améliorations foncières très considérables. Le Rhône, soulagé d’une partie de ses eaux en temps de crue, n’aurait plus atteint les hauteurs énormes qui déterminent la rupture des digues ; ses eaux, arrivant à la mer dépouillées de la plus grande partie de leurs sédimens, n’auraient pas envasé aussi rapidement les embouchures. De grands bénéfices auraient été acquis, de grands maux évités. Malheureusement, il n’en a pas été ainsi ; les riverains du Rhône inférieur ont sacrifié l’avenir au présent, et nous portons la peine de leur imprévoyance. Ce qui aurait été facile, lorsque les cultures étaient beaucoup moins étendues, est devenu impossible aujourd’hui que l’exploitation du sol a pris des proportions plus grandes et reçu de coûteux aménagement. Mais, en bonne justice, c’est à l’impéritie des hommes que nous devons nous en prendre si l’œuvre du Rhône n’est pas plus parfaite. Le fleuve nous a donné tout ce qu’il pouvait nous donner, et ses présens, bien que nous les ayons limités, ont encore la plus haute valeur : nous allons nous en convaincre.


II

On désigne sous le nom de delta du Rhône le territoire de forme triangulaire qui s’étend entre Beaucaire, Fos et Aigues-Mortes. Les terrains d’alluvion situés plus à l’ouest ne sont pas compris dans cette dénomination : formés les premiers, par suite de la loi qui influence en sens contraire du mouvement de la terre l’action des fleuves parallèles au méridien, ils ont cessé depuis des siècles d’être soumis à l’action du Rhône.

Le rapide coup d’œil que nous venons de jeter sur la