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d’un centre de population. Elle a même découragé par l’exagération de ses prix les premiers acquéreurs qui se sont présentés. Enfin, Marseille, dans un fâcheux esprit de jalousie, n’a rien négligé pour entraver le développement de Saint-Louis. Dans ces conditions, la ville espérée se réduit à une bourgade de 1 800 à 2 000 habitans logés dans des baraques en planches. Les seules constructions dignes de ce nom sont l’hôtel construit par la Compagnie des terrains, les magasins de la compagnie Havre-Paris-Lyon-Marseille, un grand entrepôt de pétrole, une fabrique de briquettes de la compagnie de la Grand’Combe, l’entrepôt des chaux du Theil et le dépôt des minerais de la société commerciale de Saint-Louis.

Le mouvement du port ne laisse pas cependant que d’être important. La progression est régulière et continue. De 29 822 tonnes en 1881, il est successivement passé à 146 250 en 1886, 275 394 en 1891 et 291 054 en 1893. Le port Saint-Louis est le quinzième de France et le troisième de nos ports méditerranéens dans l’ordre d’importance du trafic. L’administration des douanes y a perçu 3 415 900 francs de droits en 1893.

Saint-Louis ne s’en tiendra pas là. Quoi qu’on puisse faire, il est et demeurera le terminus géographique et la tête de ligne de la navigation du Rhône. Il offre au commerce de vastes emplacemens disponibles qu’on chercherait vainement dans les anciens ports. Enfin il procure aux marchandises de mer qui prennent la voie ferrée une abréviation de parcours de 45 kilomètres qui n’est pas à dédaigner. Les erreurs qui ont retardé son développement ne sont pas irréparables. Les terrains sont vraisemblablement destinés à changer bientôt de propriétaires. Si les acquéreurs disposent des ressources nécessaires pour les mettre en valeur, la prospérité de Saint-Louis pourra en recevoir une vive impulsion.

Ces perspectives d’avenir inspirent à Marseille des alarmes tout à fait déraisonnables. La place de Marseille a une possession d’état contre laquelle Saint-Louis ne pourra jamais lutter, et, loin de traiter l’établissement de Saint-Louis en rival à supprimer, elle devrait y voir plutôt une succursale utile de ses propres établissemens. Mais l’intérêt étroit et mal entendu aveugle parfois les intelligences les plus vives. Les Marseillais veulent détruire Port-Saint-Louis, et c’est dans ce dessein principal qu’ils ont conçu le projet actuellement soumis aux Chambres d’un canal reliant directement les ports de Marseille au Rhône.