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La notion d’énergie n’est pas moins claire que la notion de matière ; elle est seulement plus nouvelle à notre esprit. Il faut, pour la concevoir, s’habituer à cette première vérité qu’il n’y a pas de phénomènes isolés. L’ancienne physique n’avait qu’une vue incomplète des choses en les considérant indépendamment les unes des autres. Les phénomènes, pour les besoins de l’analyse, y étaient classés dans des compartimens distincts et séparés : pesanteur, chaleur, électricité, magnétisme, lumière. Chaque phénomène était étudié à part, sans préoccupation de ce qui l’avait précédé ou de ce qui devait le suivre. Rien de plus artificiel qu’une pareille méthode. En fait, toute manifestation phénoménale est solidaire d’une autre ; elle est une métamorphose d’un état de choses dans un autre : c’est une mutation. Il existe un lien entre l’état antérieur et l’état suivant, c’est-à-dire la forme nouvelle qui apparaît et la forme précédente qui disparaît. La science de l’énergie montre que quelque chose a passé de la première condition à la seconde, mais en se couvrant d’un vêtement nouveau ; en un mot qu’il subsiste dans le passage d’une condition à l’autre quelque chose d’actif et de permanent ; et que, ce qui a changé, c’est seulement un aspect, une apparence.

Ce quelque chose de constant qui s’aperçoit sous l’inconstance et la variété des formes et qui circule, en une certaine façon, du phénomène antécédent au suivant, c’est l’énergie.

Ce n’est encore là qu’une vue bien vague et qui semblera arbitraire. Elle se précisera par des exemples que l’on peut emprunter aux différens ordres de phénomènes mécaniques, chimiques, thermiques, électriques. L’énergie peut affecter, en effet, des formes correspondantes à ces diverses modalités phénoménales.


L’énergie mécanique est la plus simple et la plus anciennement connue.

Les phénomènes mécaniques peuvent être conçus sous deux conditions fondamentales : le temps et l’espace, qui sont, en quelque sorte, des élémens logiques auxquels vient se joindre un troisième élément, expérimental celui-là, ayant son fondement dans nos sensations, à savoir la force, le travail ou la puissance.

Les notions de force, de travail et de puissance sont tirées de l’expérience que l’homme fait de son activité musculaire. Il n’a pas moins fallu pour les préciser et les débrouiller que